Au Bénin, une vraie diversité médiatique qui n'échappe pourtant pas à la censure

Kiosque à journaux du Bénin, capture d'écran de la chaîne YouTube de Africa24

En 1991, suite à la Conférence nationale souveraine de février 1990 qui marque la fin du système du parti unique (système politique sans parti d'opposition), le Bénin déclare son attachement aux principes démocratiques, dont font partie la liberté d'expression et la pluralité des médias. Toutefois, cette liberté de la presse connaît de nombreuses restrictions aujourd'hui. 

Le Bénin est considéré de 1990 à 2016 comme un pays respectueux de la liberté de la presse, comme l'explique cet article d’Afrique XXI:

Il n’y a pas si longtemps, le Bénin était réputé comme étant une démocratie exemplaire : les changements de gouvernement pacifiques y sont la norme depuis la fin du régime du parti unique, en 1990, et le pays a souvent occupé de bonnes positions dans les classements des libertés individuelles, du fonctionnement des institutions publiques et de la liberté de la presse. En 2016, la victoire électorale de Patrice Talon, présenté comme l’homme le plus riche du pays, a changé la donne. Cet homme d’affaires, qui a fait fortune principalement dans le coton, a muselé la presse et interdit à l’opposition de participer aux élections législatives de 2019, transformant l’Assemblée nationale en une machine à applaudir le pouvoir.

La situation n'a cesse de se dégrader depuis. Selon le classement de 2023 de l'ONG Reporters Sans Frontières (RSF) le pays occupe le 112ème rang sur 180 pays. Un sondage sur l'état des lieux de la liberté de presse, réalisé en 2023 par le média béninois Fraternité confirme également l'absence de cette liberté de presse dans le pays.

Interviewé dans le cadre dudit sondage, Josué Fortuné Mehouenou, journaliste au quotidien La Nation estime que l’exercice du métier de journaliste se heurte à des obstacles inhabituels. Au journal Fraternité, il explique :

(…) c’est que la liberté de presse connait un net recul sans que cela n’émeuve grand monde. (…) Il émerge des législations, des méthodes pour faire obstacle à la libre activité des journalistes. La censure se dévoile et se déploie sans frissons ni peur pendant que l’espace pour l’exercice de l’activité journalistique se rétrécit. (…) Depuis peu, l’exercice du métier de journaliste se heurte à des obstacles inhabituels qui ne sont pas de nature à promouvoir la liberté d’expression, encore moins à la rendre accessible comme droit fondamental et reconnu.

Lire Au Bénin, la législation punitive sur le journalisme en ligne fait reculer la liberté d'expression

Le paysage médiatique dans ce pays qui compte plus de 13 millions d'habitants est contrôlé par la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication (HAAC), qui est l'institution de régulation de la presse. Les médias étatiques, toutes catégories confondues, sont réunis au sein de l’Office de radiodiffusion et télévision du Bénin (ORTB). Le secteur privé compte une quinzaine de chaînes de télévisions, plus de soixante-dix radios, et plusieurs presses en ligne.

Dans le pays, le français, langue de l'ancien colonisateur, a le statut de langue officielle, selon la constitution, aux côtés du fon qui est la langue nationale la plus parlée, et d'autres langues comme le yorouba, le bariba, le yom, le goun, l’adja, l’ayizo. Toutefois dans le paysage médiatique, le français reste dominant.

L'avancée de l'internet: une aubaine pour les médias en ligne

Au début de l'année 2023, selon Data Reportal, le taux de pénétration de l’internet est de 34% au Bénin, chiffre relativement bas si comparé au taux de toute l'Afrique de l'ouest, qui est de 48%. Ce chiffre conteste celui du gouvernement béninois, qui évoque un taux de 69% en fin 2022.

Parmi les médias en ligne, seulement une cinquante détiennent une licence officielle et sont ainsi reconnus par la HAAC comme médias en règle avec l'autorité. De nombreuses chaînes de télévision en ligne ont le vent en poupe: Bénin Web TV, Esae TV, Daabaaru TV, First Afrique TV, et bien d'autres se consacrent à la couverture de l'actualité générale: sport, politique, culture, économie. La chaîne Blue Diamond TV est spécialisée dans la diffusion des informations et actualités musicales au Bénin et sur le continent.

Les médias Bénin ODD TV et Planète Terre à Terre TV se démarquent du lot des autres médias par leur contenu à caractère éducatif qui sensibilise les populations sur les objectifs de développement durable (ODD), y compris la lutte contre le changement climatique et la protection de l'environnement.

Une liste de sites d'informations présente une vingtaine de presses en ligne accréditées par les autorités, qui incluent Le leader info Bénin, Boulevard des infos, Banouto, Le Potentiel, Notre Époque (journal d'investigation), Matin libre, 24 heures au Bénin, Africaho, Le Parakois, Le Béninois Libéré, Bénin Intelligent. Ces organes de presses offrent des analyses de la vie sociale, politique et économique du pays.

Hors des frontières, l'actualité béninoise est couverte par des medias régionaux et internationaux comme West africa démocracy radio (WADR), New world, BBC Afrique, Afriquexxi, France 24, Africanews, Radio France Internationale, Voice of America.

Réseaux sociaux

Le coût de l'internet revient à 2,27 dollars américains par Gigaoctet pour une population dont le revenu minimum mensuel est de 52 000 FCFA (87 dollars américains).

Selon Data Reportal, le Bénin compte 1,30 millions d'utilisateurs de réseaux sociaux. La répartition se fait entre Facebook qui a le plus grand nombre d'utilisateurs: 1,1 million ; LinkedIn avec 400 000 membres; Facebook messenger qui compte 187 600 ; Instagram avec 135 500 d'utilisateurs ; X ( ex-Twitter) qui mobilise 97 000 utilisateurs.

Plusieurs acteurs contribuent à établir la présence du Bénin sur la toile, C'est avant tout la mission de Stevy Wallace quand il rejoint en 2016 l'équipe de Patrice Talon (président du Bénin depuis 2016) en tant que chef service communication digitale de la présidence du Bénin et du gouvernement béninois (2016-2022). Il est l'un des pionniers de la révolution du digital au Bénin, et compte plus de 16 000 abonnés sur X.

Au plan politique, le pays compte des activistes qui font parler d'eux hors des frontières béninoises. Kemi Seba avec plus de 241 000 abonnées sur X et 1,3 millions sur Facebook, se définit comme un panafricain, et fait trembler des régimes dictatoriaux de par son engagement pour l'indépendance totale des pays africains.

En matière de droits humains et de la protection de l'environnement, de jeunes activistes font également parler d'eux. Cette vidéo de Tv5monde témoigne de l'engagement de jeunes activistes écologiques (Voir ici à partir de la 15ème minute) :

Pour autant, la liberté de la presse est loin d'être garantie dans un pays autrefois cité comme un modèle, comme conclut l'article d’Afrique XXI:

Au Bénin, les journalistes se font régulièrement intimider. Au début de cette année, plusieurs journalistes ont été arrêtés dans le nord-ouest du pays et présentés au procureur spécial de la Criet. En avril 2018, le journaliste Casimir Kpedjo a été arrêté pour avoir diffusé sur la page Facebook de son journal des informations qualifiées de fausses contre l’économie béninoise. Il a également dû comparaître devant la Criet, où son procès a été renvoyé à plusieurs reprises.

Lire notre dossier spécial : 

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