Un journaliste cambodgien détenu pour avoir rapporté les conseils du Premier ministre sur le COVID-19

Le journaliste cambodgien Sovann Rithy interrogé à la police municipale devant 4 personnes.

Le journaliste cambodgien Sovann Rithy (portant une écharpe) au commissariat de police. Il est la seule personne dépourvue de masque. Photo tirée de la page Facebook de la police municipale de Phnom Penh.

Le journaliste cambodgien Sovann Rithy de la publication en ligne TVFB [km] a été arrêté le 7 avril 2020 pour avoir diffusé une vidéo reproduisant les paroles du premier ministre Hun sen. Ce dernier conseillait aux conducteurs de vendre leur moto afin d’éviter la faillite pendant la pandémie de COVID-19 en cours, invoquant le manque de moyens du gouvernement pour aider les travailleurs indépendants. Le chef du gouvernement a fait cette remarque au cours d’une déclaration sur l'impact économique des mesures que le gouvernement s’apprête à prendre dans sa lutte contre l’épidémie de COVID-19, telles que restrictions de déplacement et la réduction des activités commerciales.

Selon la police, le Premier ministre plaisantait [en], et il ne fallait donc pas répéter ces propos pour éviter de semer la confusion dans le public. Rithy a été arrêté en vertu des articles 494 et 495 du Code pénal pour « incitation à commettre un crime », motif passible d’une peine de prison de six mois à deux ans. Le tribunal municipal de Phnom Penh ordonnait son incarcération dès le lendemain.

Les autorités accusent Rithy d'avoir choisi une citation caricaturale de la conférence de presse du Premier ministre au lieu de rapporter d'autres problèmes liés au COVID-19. Mais un article de VOA Khmer relève [en] que si Hun Sen plaisantait en disant aux conducteurs de vendre leurs motos, il a pourtant répété sans ironie le même conseil pendant son discours.

En plus de l'arrestation de Rithy, le ministère de l'Information a également révoqué la licence média de TVFB.

Nop Vy, directeur exécutif de l’Association des journalistes cambodgiens (Cambodian Journalist Alliance) a exhorté [en] les autorités à revoir l'accusation et à la remplacer par une demande de correction du reportage s'il comporte des inexactitudes.

What is the important point, I think, is that his broadcast did not cause any damage the national interest or any discrimination, so I request the government review this issue again.

Ce qui est important, je pense, c'est que sa diffusion n'a causé aucun préjudice à l'intérêt national ni aucune discrimination, alors je demande au gouvernement de réexaminer cette question.

Sur Twitter, Sopheap Chak du Centre cambodgien pour les droits humains demande aux autorités de respecter la procédure régulière dans le traitement de cette affaire.

L'éditeur de la TVFB a été arrêté et interrogé sur sa diffusion du discours du Premier ministre. Alors que l'affaire est actuellement en cours devant le tribunal, lui et son média doivent être traités comme innocents. Pourquoi la licence est-elle révoquée avant même la procédure ? Où est le principe de la présomption d'innocence ?

Le journaliste Kevin Doyle a évoqué le fait que cette arrestation pourrait être considérée comme une menace pour les autres médias.

Persécuter un journaliste pour envoyer un message à tous les journalistes au Cambodge, une méthode utilisée de longue date par le régime de Phnom Penh pendant les périodes de crise. Le Covid-19, l'effondrement du secteur du tourisme, et l'impact des mesures de confinement mondiales sur l'industrie textile, sont autant de défis que le PM ne va pas pouvoir résoudre par des arrestations.

Daniel Bastard, qui dirige le bureau de Reporters sans frontières pour l'Asie-Pacifique (RSF), a qualifié [en] le dossier contre Rithy d'absurde :

Imprisoning a journalist for quoting a statement by the prime minister word for word is more than absurd. The Covid-19 crisis must not be used as pretext for getting rid of journalists who do not blindly toe the government line.

Emprisonner un journaliste pour avoir cité mot pour mot une déclaration du Premier ministre est plus qu'absurde. La crise du Covid-19 ne doit pas être utilisée comme prétexte pour se débarrasser de journalistes qui ne suivent pas aveuglément la ligne du gouvernement.

Le père de Rithy a demandé pardon au nom de son fils et imploré la police de classer l'affaire. Au moins 17 personnes ont été arrêtées [en] au Camdodge pour avoir publié des informations erronées sur le COVID-19. Selon des groupes de défense des droits humains, le gouvernement profite de la crise pour arrêter [en] des dissidents et des membres de l'opposition.

Consultez le dossier spécial de Global Voices sur l'impact mondial du COVID-19.

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