Le début de la saison des prix littéraires 2009 a vu la romancière et dramaturge franco-sénégalaise Marie NDiaye [liens en français, sauf mention contraire] remporter le très convoité Prix Goncourt. Cependant, Marie N'Diaye et sa famille ont déménagé à Berlin depuis deux ans, en grande partie à cause de la politique du président Nicolas Sarkozy. L'année dernière, le jury de ce prestigieux prix avait créé la sensation en l'accordant à l'écrivain afghan Atiq Rahimi, pour son roman en français Syngué Sabour. Est-ce une autre occasion de célébrer la diversité dans une société française en pleine mutation ? Ou ce moment sera-t-il gâché par la polémique ?
DW-World (site de la Deutsche Welle, La Voix de l'Allemagne) explique à ses lecteurs [en anglais] :
Dans une interview avec le magazine les Inrockuptibles, l'été dernier, Mme NDiaye disait qu'elle avait décidé de quitter la France pour s'installer en Allemagne en 2007 “en grande partie à cause de M. Sarkozy”.
La polémique a commencé lorsque M. Éric Raoult, un législateur membre du parti gouvernemental UMP de M. Sakozy, a écrit au Ministre de la culture français la semaine dernière, lui recommandant de rappeler à Mme NDiaye le “devoir de réserve” qui accompagne le Goncourt.
En réponse, l'establishment culturel français a lancé des accusations de censure dans le débat. M. Bernard Pivot, membre du jury du prix Goncourt, a accusé M. Raoult de ne rien connaitre à la vie littéraire française.
Marie NDiaye, née en 1967 d'une mère française et d'un père sénégalais, a remporté le prix Goncourt pour son roman Trois femmes puissantes, l'histoire de trois femmes partagées entre la France et le Sénégal et confrontées aux rude épreuves de la migration clandestine depuis l'Afrique.
“L'histoire de ces migrations a été racontée plusieurs fois auparavant, mais si ça peut aider les gens à un peu mieux la comprendre, je serais heureuse” a dit Marie NDiaye.
Qu'est-ce qui a pu provoquer une telle colère du ministre français Éric Raoult ? Rien de plus qu'une interview de la romancière, quand elle répondu à la question du magazine Les Inrocks : “Vous sentez-vous bien dans la France de Sarkozy ?”, en disant :
« Je trouve cette France-là monstrueuse. Le fait que nous (NdT : avec son compagnon l'écrivain Jean-Yves Cendrey, et leurs trois enfants) ayons choisi de vivre à Berlin n’est pas étranger à ça. (…) Je trouve détestable cette atmosphère de flicage, de vulgarité… »
En premier lieu, il corrige une faute de grammaire :
Tout d’abord, et le Ministre de la culture et de la communication aura rectifié de lui-même, le devoir de réserve ne peut en tout état de cause être dû aux lauréats mais dû par les lauréats : cette erreur de préposition fait du lauréat le créancier alors que dans l'esprit
la tête du député, il en serait évidemment le débiteur.
Le devoir de réserve est souvent invoqué à tort et à travers par des gens qui n’y ont rien compris comme interdisant à un fonctionnaire de s’exprimer, y compris parfois sur des affaires purement privées.
Le juriste conclut sur la malhonnêteté du député, avant de placer la dernière estocade :
Ajoutons à cela qu’en 2005, en tant que maire du Raincy, lors des émeutes de l’automne, il fut le premier à proclamer l’état d’urgence dans sa commune pourtant épargnée par les actes de violence afin de griller la politesse au Premier ministre, ce qui montre une certaine tendance à la gesticulation inutile pour attirer l’attention sur lui.
Ce qui établit en même temps le mobile d’opportunité politique, et emporte la décision.
D'autres blogueurs français ont aussi publié des propos caustiques.
Sur le blog Art contemporain, la peau de l'ours, Philippe Rillon écrit :
Nous comprenons fort bien que le devoir de réserve s’impose à tout serviteur de l’Etat ; mais depuis quand la littérature et les auteurs sont-ils assimilés aux fonctionnaires avec leurs droits et devoirs?
Nous avions déjà une “Culture administrée”, nous voici maintenant “artistes fonctionnaires” comme si Paris était Berlin-Est d’avant la chute du mur…
(…)
Il serait quand même étonnant qu’au lendemain d’une hyper-médiatique commémoration de la chute du mur, ce godillot vienne gâcher le spectacle idylique des dominos qui tombent.
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