Les pousse-pousse à trois roues, une marque de fabrique de la capitale du Bangladesh, Dacca, sont célèbres pour leur carrosseries peintes de couleurs vives. Ces véhicules sont utilisés depuis les années 40, et les oeuvres d'art qui les ornent peuvent tout représenter des stars de cinéma, des fleurs ou des images religieuses.
Au début du mois d'avril, un groupe d'une cinquantaine de femmes au Bangladesh ont utilisé les peintures des pousse-pousse comme un moyen de protester contre la violence à l'égard des femmes et d'autres injustices auxquelles elles sont confrontées. L'événement a été organisé par Meye (“fille” en Bangla), un réseau sans but lucratif dirigé par des femmes parlant le Bangla qui défend les droits des femmes, leur autonomisation et leur leadership. Fondé en 2011, Meye constitue une communauté d'environ 5.000 femmes à ce jour, pour la plupart connectées via les réseaux sociaux.
Au Bangladesh au cours des dernières années, on relève une augmentation inquiétante du nombre de viols. Lorsque des femmes sont victimes de viol, elles sont souvent montrées du doigt et leur pudeur est remise en question. Le harcèlement des femmes dans la rue est également chose courante. À la maison, jusqu'à 87% des femmes mariées ont déclaré avoir subi des violences de leur mari, y compris des violences psychologiques, selon un sondage mené en 2011 par le gouvernement du Bangladesh.
Global Voices s'est entretenu avec Trishia Nashtaran, une blogueuse et fondatrice/coordinatrice de Meye, à propos de la protestation créative.
Global Voices (GV): Pourriez-vous nous parler de l'événement de peinture de pousse-pousse ?
Trishia Nashtaran (TN): Personne n'a oublié les agressions sexuelles perpétrées contre des femmes durant le Pahela Baishakh (célébration de la nouvelle année du Bangladesh) l'année dernière. Meye a réagi à la violence par le biais de ‘Arek Boishakh: Une protestation par la célébration’ – incitant les femmes à redécorer le campus de l'université de Dacca par des couleurs, des mots et de la musique.
Cette année, Meye a fêté le nouvel an avec une initiative unique nommée ‘Rongbaji’. Sous le thème ‘Que nos mots colorient les pousse-pousse’, le 1er avril, des femmes ont exprimé leur protestation à travers la peinture de pousse-pousse à Nimtoli Gate, aux côtés de la Société asiatique du Bangladesh. Avant que l'année 1423 du Bangladesh n'arrive, la chanson dans nos coeurs et la couleur dans nos âmes ont pris forme en mots et en images par la décoration des pousse-pousse — un transport qui symbolise l'esprit de Dacca. Tout le monde, sexes confondus, a été invité à donner un coup de main ; car, comme nous sommes unis dans la célébration, nous devons aussi faire front commun quand vient le moment de protester contre une injustice.
GV: Pourquoi avez-vous choisi la peinture de pousse-pousse ?
TN: Parce que les pousse-pousse font partie intégrante de notre quotidien en ville. Les images peintes sur les pousse-pousse ont toujours été un reflet coloré des questions historiques, culturelles et sociales de notre époque.
GV: Que signifie le titre de l'événenent “Rongbaji”?
TN: Le sens littéral du mot “Rongbaji” touche aux couleurs. Dans le langage courant, “rongbaj” est un terme associé aux enfants mal élevés qui se tiendraient sur le bord de la route et siffleraient les femmes. Le nom a été choisi pour l'événement de peinture de pousse-pousse à la fois pour le sens littéral et familier et en raison de son ton sarcastique.
GV: Quels sont les objectifs que vous souhaitez atteindre ?
TN: Nous espérons que la tradition de représenter des messages de femmes sur les pousse-pousse que nous avons lancé sera poursuivi par les talentueux peintres de pousse-pousse (connus dans le langage courant en tant que homme artiste) qui contribuent à rendre nos pousse-pousse de Dzcca tellement beaux avec leurs touches de couleurs vives. Portés par les roues des pousse-pousse, nos slogans vont continuer à aller de l'avant et raconter nos histoires partout dans Dacca. D'autres organisations ont déjà prévu de propager leur protestation de cette manière. Nous espérons que les mots vont ainsi parcourir les lieux et trouver leur voie dans la pensée des gens, nous conduisant à un avenir meilleur.