La campagne des femmes saoudiennes pour la suppression de la tutelle masculine dans le royaume rallie des centaines de milliers de soutiens

Screengrab from Human Rights Watch's 'Imprisoned - End Male Guardianship in Saudi Arabia'. Source: YouTube Video.

‘En prison : Mettre fin à la tutelle masculine en Arabie Saoudite’ – Capture d'écran de la campagne de Human Rights Watch Source: YouTube Video.

Dans le cadre des actions visant à abroger les draconiennes lois anti-féminines de leur pays, les femmes d'Arabie Saoudite ont lancé une campagne exigeant la fin de l'autorisation masculine pour des activités aussi courantes que le travail, la propriété et les voyages.

Sous le hashtag #TogetherToEndMaleGuardianship [Ensemble pour mettre fin à la tutelle légale des hommes] et sa version arabe #سعوديات_نطالب_باسقاط_الولاية (signifiant ‘Les Saoudiennes exigent la fin de la tutelle légale’), la campagne a récolté des centaines de milliers de soutiens à travers le monde.

Financée par Human Rights Watch, la campagne suit la publication de son rapport détaillé intitulé “Coincées : les femmes et l'institution de la garde légale masculine en Arabie Saoudite”. L'organisation internationale de défense des droits humains explique :

En Arabie Saoudite, la vie d'une femme est contrôlée d'un homme de la naissance à la mort. Toute femme saoudienne doit avoir un gardien masculin, d'ordinaire son père ou son mari, dans certains cas un frère ou même un fils, qui a le pouvoir de prendre toute une gamme de décisions cruciales à sa place. Comme l'ont déclaré des dizaines de femmes à  Human Rights Watch, l'institution de la tutelle légale est l'obstacle le plus considérable à la mise en oeuvre des droits des femmes dans ce pays, transformant efficacement les femmes adultes en mineures juridiques incapables de prendre des décisions clés les concernant.

Le rapport comportait trois courtes vidéos illustrant les effets de l'institution sur la vie des femmes, et des déclarations de citoyennes et militantes féministes saoudiennes qui considèrent la loi comme un handicap social et économique.

Ainsi, une ancienne directrice d'école et Saoudienne engagée de 44 ans, Hayat, disait à Human Rights Watch le 7 décembre 2015 :

L'institution de la tutelle légale affecte aussi la capacité des femmes à chercher du travail à l'intérieur de l'Arabie Saoudite et à saisir des opportunités à l'étranger qui pourraient faire progresser leur carrière. Plus précisément, les femmes ne peuvent demander un passeport sans l'accord d'un gardien masculin, et ont besoin de sa permission pour voyager hors du pays. Les femmes ne peuvent pas non plus étudier à l'étranger avec une bourse du gouvernement sans approbation du gardien, et, même si ce n'est pas toujours appliqué, doivent officiellement être accompagnées d'un parent masculin tout au long de leurs études.

Cela sème le doute en vous et dans votre conscience de soi. Comment pouvez-vous vous respecter, comment votre famille vous respectera, s'il est votre gardien légal ?

Human Rights Watch explique aussi que les motifs religieux qui justifieraient prétendument l'institution de la tutelle légale masculine ont été contestées à maintes reprises :

L'imposition en Arabie Saoudite de l'institution de la garde légale est fondée sur l'interprétation la plus restrictive d'une sourate coranique ambiguë—interprétation contestée par des dizaines de Saoudiennes, parmi lesquelles des universitaires et des féministes musulmanes, qui ont été interrogées par Human Rights. Les théologiens contestent eux aussi cette interprétation, y compris un ancien magistrat saoudien qui a dit à Human Rights Watch que l'imposition par le pays de la garde légale n'est pas requise par la charia, et l'ancien directeur de la police religieuse, lui aussi théologien respecté, qui a dit en 2013 que l'interdiction de conduire pour les femmes en Arabie Saoudite n'est pas exigée par la loi islamique.

Voilà, parmi de nombreuses autres raisons, pourquoi les femmes saoudiennes et ceux qui les soutiennent contestent, sur Twitter et ailleurs, l'institution de la tutelle. Selon Vocativ, au 4 août 2016, pas moins de 170.000 tweets avaient été envoyés tant en arabe qu'en anglais.

Ghada Al Zahrani, qui tweete sous le nom de @hanoohopi, a écrit :

Les femmes saoudiennes subissent le pire des esclavages

La Saoudienne Maram Mohammad Al Ajlan a souligné que l'Arabie Saoudite a promis la fin de la tutelle masculine à deux occasions, en 2009 et 2013 :

Nous attendons toujours… L'Arabie Saoudite a promis par deux fois (en 2009 et 2013) au Conseil des Droits de l'Homme de l'ONU de supprimer l'institution de la tutelle masculine

Ri, @ipergh sur Twitter,a partagé la photo d'un graffiti qu'elle a réalisé sur un mur de Riyad, qui dit “nous exigeons la chute de la tutelle masculine sur les femmes saoudiennes ” :

C'est moi qui l'ai fait et bombé sur un des murs de Riyad. En mon nom et au nom de chaque combattante saoudienne

Abdullah Moqhem Al Moqhem a tweeté à ses 20.000 abonnés :

La revendication des femmes de mettre fin à la tutelle masculine ne signifie pas la séparation des femmes d'avec leurs maris, pères ou frères. Tout ce qu'elles demandent, c'est le droit de choisir leur destin dans la vie.

Mohammad Ali Mahmoud a partagé avec ses 35.000 abonnés sa conviction que :

Une femme qui croit pleinement à sa propre humanité appellera à la suppression de la tutelle masculine, alors qu'une femme qui n'y croit pas voudra la conserver.

Hajar, qui tweete sur le compte @chanhxo, dit qu'elle défendra les droits des femmes quelle que soit leur nationalité.

Je serai aux côtés des droits des femmes jusqu'à ma mort. Qu'elles soient Saoudiennes ou Afghanes, je n'accepterai jamais l'injustice contre les femmes

La campagne a aussi attiré un soutien international substantiel. Une blogueuse de la page Facebook “The Paludians” a tweeté sa solidarité depuis l'Italie :

Solidarité de l'Italie avec les Saoudiennes, j'espère pouvoir me lever dans un monde neuf qui vous respecte, aussi ici en Europe.

La blogueuse indo-pakistanaise Ilmana Fasih, qui blogue sur ‘Blind to Bounds’ [‘Aveugle aux entraves’], ajoute :

Solidarité avec les femmes d'Arabie Saoudite depuis le Canada, le Pakistan, l'Inde.

Evidemment, cette campagne ne fait pas que des heureux. Le hashtag a aussi été critiqué, notamment par les hommes saoudiens ultra-conservateurs qui voient dans le mouvement de libération des femmes de la tutelle masculine un élément du “programme libéral” pour corrompre la société saoudienne :

Ce que font circuler dans les médias et les sites internet de réseaux sociaux des putes adolescentes manipulées n'est pas représentatif de l'Arabie Saoudite ni des Saoudiennes.

Rien d'étonnant à de telles positions si on considère que l'Arabie Saoudite a été classée 134ème sur 145 pays de l'Index mondial des inégalités hommes-femmes du Forum Economique Mondial de 2015, ce qui n'empêche pas les femmes saoudiennes de poursuivre la lutte dans l'espoir que le statu quo sera bientôt ébranlé.

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