Une remarque sexiste faite récemment par le président afghan Ashraf Ghani a mis en exergue la forte culture politique misogyne qui imprègnedu gouvernement, révélant ainsi des failles dans l’image progressiste qu’il a de lui-même.
Depuis cet incident, M. Ghani a offert ses excuses aux femmes pour ses remarques comparant ses opposants à des femmes portant le chaadar, le voile traditionnel afghan.
Le 2 décembre, lors d’un long discours, le président avait fustigé ses adversaires politiques qui accusaient des membres hauts placés de son administration de collusion avec l’Etat Islamique.
Il avait déclaré que ces politiciens devaient apporter des preuves, ou à défaut, « rentrer chez eux pour porter le chaadar ».
Les nombreux gradés de l'armée présents dans le public l’ont applaudi. Néanmoins, la réaction sur les réseaux sociaux, utilisés selon certaines estimations par un sixième de la population du pays, était bien plus mitigée. Les femmes afghanes avec le soutien de représentants hommes et femmes de la société civile l’ont invité à s’excuser pour cette remarque dénoncée comme sexiste et anti-féminine.
L’expression afghane « porter le chaadar » est souvent utilisée comme une insulte humiliante adressée aux hommes.
Fières de porter le voile
Fawzia Koofi, députée au parlement afghan et présidente de la Commission des femmes, de la société civile et des droits de la personne, s’est exprimée négativement sur son compte Facebook et Twitter.
Why wearing scarf z regarded an act of shame among so called elite politicians our political literature is still man dominated I was surprised to hear from @ashrafghani inviting those who can't proof their claim wear scarf as an act of shame.Am proud of my scarf as part of my ID pic.twitter.com/HH8qLfxUOc
— Fawzia Koofi (@FawziaKoofi77) December 2, 2017
Pourquoi porter le voile est-il considéré comme humiliant par la soi-disante élite politique, notre littérature politique reste dominée par les hommes, j'ai été étonnée d'entendre Ashraf Ghani inviter ce qui ne pouvaient pas prouver leurs affirmations à porter le voile comme symbole d'humiliation. Je suis fière de mon voile, qui fait partie de mon identité.
Nahid Farid, une activiste des droits des femmes influente, a aussi souligné que porter le voile n’a rien de honteux :
در پيوند به چالش پوشيدن چادرِ رئيس حكومت وحدت ملي
در افغانستان زنانِ چادر به سر نماد غيرتند. استفاده از ادبيات زن ستيزانه در سخنراني هاي شخصي كه ادعا ميكند٤٠ درصد راي دهندگانش زنان بودند، مايهء شرمساريست. طبق قانون منع آزار و اذیت زنان و کودکان، هر نوع نگاه جنسیتی و مثال زدن بخاطر تحقیر کسی با استفاده از نام زن، خشونت عليه زنان محسوب مي شود. از منظر تاريخي هم، تا حالا چادر هیچ زنی هيچ نقطهء اين كشور جنگزده را به آتش نکشیده است.
En ce qui concerne les derniers propos du président, les femmes afghanes qui portent le voile sont un symbole de dignité et d’honneur. C’est honteux de constater ce discours anti-femme provenant d’un président qui a obtenu 40% de ses voix dans l’électorat féminin… Historiquement, ce furent les hommes, et non les femmes portant le voile qui incendièrent l’Afghanistan.
Le tollé public a incité Ghani à présenter ses excuses dans un communiqué datant du 3 décembre :
The president is a very prominent advocate of women’s rights and has taken unique steps to strengthen and preserve their position since his tenure as the president of Afghanistan…The use of the word Chaadar—scarfs in English—had been misinterpreted by oppositions to disturb public opinion. It never aimed to offend the highly valuable place of women in the country. Despite this, if emotions of Afghan women have been made regretful, the president apologizes to them.
Le président est connu comme un partisan des droits des femmes et a pris des mesures exceptionnelles afin de consolider et préserver les droits de celles-ci durant son mandat en tant que président du pays… L’usage du mot chaadar, qui veut dire écharpe en anglais, a été interprété à tort par l’opposition dans le but de troubler l’opinion publique. L’intention du président n’était nullement de porter préjudice à la place hautement appréciée des femmes dans ce pays. Toutefois, si les femmes afghanes déplorent cette remarque, le président s’excuse auprès d’elles.
Bahar Sohili, une femme afghane, a critiqué cette déclaration comme insuffisante :
معذرت خواهی روی حساب فیسبوکی و شخصی شاه حسین مرتضوی توام با توجیه و متهم ساختن میزان درک و شعور مردم از سخنرانی رئیس جمهور به معنای نادیده گرفتن زنان است .
پیشنهاد من : چه معذرت بخواهند و چه تحقیرآمیز توجیه کنند این نگاه تبعیض آمیز، تا زمانیکه پوشش نابرابر دارید تغییر نخواهد کرد. جستجوی برابری تلاشی بیهوده است زیرا همان چادر روی سر نشان دهنده ی بسته بندی تفکر و درجه ی دوم بودن است و نشانگر اینکه هنوز نتوانسته اید با خود در مورد گناه آلود بودن موی سر کنار بیایید .
S’excuser auprès des femmes sur Facebook est en soi-même une insulte faite aux Afghanes… Je propose que nous enlevions notre voile afin de mettre fin aux inégalités de genre car aussi longtemps que les femmes se voileront, elles seront traitées comme des citoyens de deuxième classe.
Ghani pourrait aussi avoir subi les foudres de son épouse, Rula Ghani, qui défend vigoureusement les droits des femmes dans le pays.
En 2014, peu après l’élection de son mari dont les résultats furent serrés et contestés, Rula Ghani provoqua la surprise lors d’une interview donnée aux médias français où elle avait affirmé son soutien à l’interdiction du port du niqab ou burqa en France.