Au Kazakhstan, la chasse aux partisans de l'oligarque Abliazov tourne à l'absurde et s'exporte

“Comme d'habitude, il y avait sur les lieux plus de policiers que de manifestants” a dit à Global Voices un journaliste d'une ville de province à propos d'une de ces protestations pour la liberté de parole qui ont fait des vagues à travers le Kazakhstan mais auxquelles les autorités coupaient court aussitôt.

“C'est une triste situation”, a commenté le journaliste, qui a souhaité garder l'anonymat.

Le 10 mai, des rassemblements ont eu lieu dans de nombreuses villes du Kazakhstan, avec des pancartes disant “Stop à la torture !” et “Libérez les prisonniers politiques !”. La plupart des manifestants ont été arrêtés et mis en garde à vue presque immédiatement.

Human Rights Watch a rapporté :

Kazakh police yesterday detained dozens of people in cities across the country who were protesting the use of torture and politically motivated imprisonment.

People appear to have rallied in response to a call by opposition movement Democratic Choice of Kazakhstan (DVK), which a Kazakhstan court in March declared “extremist” and banneda move seen by some simply as a means to repress the opposition group.

La police du Kazakhstan a arrêté hier des dizaines de personnes dans des villes de tout le pays, qui manifestaient contre l'utilisation de la torture et les incarcérations à motivation politique.

Les rassemblements semblent une réaction à l'appel du mouvement d'opposition Choix Démocratique du Kazakhstan (DVK), déclaré “extrémiste” et interdit en mars par un tribunal du Kazakhstan, une décision dans laquelle certains ne voient rien d'autre qu'un moyen de réprimer ces opposants.

S'informer sur les manifestations a été plus compliqué pour les Kazakhs ordinaires : les médias nationaux, y compris les médias privés se disant indépendants, les ont totalement passées sous silence.

Interrogés par le service en kazakh de Radio Free Europe/Radio Liberty (RFE/RL), la plupart des députés du parlement – chambre d'enregistrement de ce pays d'Asie Centrale ont affirmé ne pas avoir entendu parler de l'existence de manifestations.

Le mouvement Choix Démocratique du Kazakhstan a programmé les rassemblements pour les faire coïncider avec la mission du parlement européen au Kazakhstan venue discuter de la mise en place d'un accord de partenariat et de coopération, dont une des conditions principales porte sur les droits humains et la liberté de parole.

Dès le début des manifestations, la police est arrivée sur place et à commencé à traîner vers le bus les protestataires qui tentaient de résister en faisant la chaîne. Comme cela s'est déjà produit dans des manifestations précédentes au Kazakhstan, de simples passants ont été arrêtés à tort.

Après les arrestations, les manifestants ont été conduits aux postes de police. Certains s'en sont tirés avec des amendes, d'autres ont été gardés à vue jusqu'à dix jours.

Les manifestations publiques sont peu fréquentes au Kazakhstan et requièrent l'autorisation des autorités, qui l'accordent rarement.

Est-il ici, serait-il là, l'insaisissable Abliazov

L'homme derrière le DVK est Mukhtar Abliazov, un oligarque fugitif accusé d'avoir fui le pays en emportant plusieurs milliards de dollars de fonds dérobés à la suite d'une bataille autour d'une banque locale en 2009. Il est l'ennemi juré du dictateur-vétéran du Kazakhstan, Nursultan Nazarbaïev.

Les efforts du Kazakhstan pour ramener Abliazov dans sa patrie y affronter son procès se sont révélés vains jusqu'ici. La plus haute juridiction administrative française a annulé son extradition l'année dernière, estimant que les accusations de détournement à son encontre ont une motivation politique.

Frustré, le pouvoir autoritaire s'en prend maintenant à ses sympathisants. En mars de cette année, le DVK a été catalogué “extrémiste” par un tribunal kazakh, ce qui donne aux autorités un blanc-seing pour poursuivre quiconque ayant un lien même ténu avec le mouvement.

Dans une affaire célèbre, un jeune homme d'affaires a été emprisonné et aurait été battu en détention sur des accusations de blanchissement d'argent pour Abliazov. La mère du jeune homme dit que son fils n'a pas aucun lien avec Abliazov, et que les autorités veulent en réalité se servir de lui pour forcer sa sœur, qui a travaillé de longues années pour l'oligarque, à rentrer au Kazakhstan pour témoigner contre son patron.

Plus faibles encore étaient les liens entre Abliazov et les citoyens ordinaires du Kazakhstan appréhendés par les policiers dans la capitale Astana pendant la fête nationale de Nowruz alors qu'ils tenaient des ballons bleus. La raison apparente de ce traitement musclé est que le bleu est la couleur du mouvement d'opposition DVK, et que les ballons pouvaient être vus comme de la propagande politique.

Le danger est que ceci ne soit que la pointe de l'iceberg. Il y a longtemps que les usagers des médias sociaux signalent des problèmes dans l'utilisation de Facebook, YouTube et Telegram chaque fois qu'Abliazov débute des émissions en ligne. Dès qu'il commence à poster plus de contenu en ligne, les coupures — non reconnues par le pouvoir — se font plus fréquentes.

Il y a aussi des signes alarmants que le gouvernement est prêt à utiliser tous les leviers dont il dispose sur les autres pays pour les obliger à coopérer à la chasse aux alliés d'Abliazov. La semaine dernière, les médias du Kirghizstan voisin ont rapporté que les autorités kirghizes ont arrêté un proche collaborateur du dissident et s'apprêteraient à l'extrader vers le Kazakhstan. Ceci en dépit du fait qu'à part le Kazakhstan, aucun pays n'a jusqu'à présent déclaré le DVK “mouvement terroriste”.

Cette nouvelle poussée de fièvre dans le différend entre Abliazov et Astana a deux victimes indiscutables : la liberté d'expression et la liberté de réunion. Toutes deux sont garanties par la constitution du Kazakhstan, mais malheureusement cela ne semble pas faire de différence pour le pouvoir.

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