Un journaliste tanzanien fait face à des accusations factices après son enlèvement et sa détention

Erick Kabendera lors d'une session de coaching avec des journalistes en 2012 à Dar es Salam. Photographie de Pernille Baerendtsen, utilisée avec autorisation.

Le 29 juillet 2019, six policiers en civil ont enlevé de force de son domicile le journaliste Erick Kabendera à Dar es Salaam, en Tanzanie, et l'ont emmené en garde à vue. La police soutient qu'il n'avait pas répondu à une convocation concernant le statut de sa nationalité tanzanienne.

Au cours de la semaine écoulée, la police a perquisitionné son domicile deux fois, a confisqué son passeport ainsi que d’autres documents personnels et interrogé sa famille.

Le 5 août, les autorités ont changé d'argument, et l'ont accusé de blanchiment d'argent, d'évasion fiscale d'un montant de 75 000 dollars (environ 66 000 euros)  et de racket criminel, selon une copie de l'acte d'accusation obtenu par le Comité pour la protection des journalistes (CPJ). La police a déclaré qu'Erick Kabendera avait commis ces crimes sur une période de quatre ans, depuis 2015.

Avec ces accusations, le journaliste pourrait être condamné à une peine pouvant aller jusqu’à quinze ans de prison et ne peut demander une libération sous caution.

La Tanzanie de Magufuli

D'abord, ils enlèvent un journaliste, dès qu'il y a un tollé, ils prétendent qu'il n'est pas tanzanien, quand cela ne tient pas, il est accusé de crime organisé et d'évasion fiscale. Les amis, rencontrez Erick Kabendera, son crime est de faire du journalisme.

“La liberté de la presse s'est gravement détériorée dans la Tanzanie de Magufuli”, a rapporté le CPJ.

Le représentant du CPJ en Afrique subsaharienne, Muthoki Mumo, a déclaré :

It seems that for the past week, authorities have been searching for a way to justify their detention of this critical freelance journalist. First, they claimed Erick Kabendera’s citizenship was in question, today they have leveled drastically different charges, which call into question their motive for holding him.

Il semble que depuis une semaine, les autorités cherchent un moyen pour justifier l'arrestation de ce journaliste indépendant critique. Premièrement, ils ont affirmé que la citoyenneté d’Erick Kabendera était en cause. Aujourd’hui, ils ont formulé des accusations radicalement différentes, ce qui remet en question la raison pour le retenir.

Dans son travail de journaliste, Erick Kabendera a critiqué l’administration du président John Magufuli et s’est souvent prononcé en faveur de la liberté de la presse. Il a rendu compte de la politique de division de la Tanzanie pour des médias internationaux et locaux tels que The Guardian, African Arguments et The East African.

Son avocat Jebra Kambole a déclaré que les autorités avaient également accusé Erick Kabendera d'avoir publié un article intitulé “John Magufuli détruit la liberté de la Tanzanie” dans The Economist, mais que cette accusation a été abandonnée par la suite.

Le journaliste tanzanien Erick Kabendera sera inculpé de sédition pour un article paru dans The Economist intitulé “John Magufuli détruit la liberté de la Tanzanie”.
La déclaration de Jebra Kambole indique que la libération sous caution de M. Kabendera a été rejetée.

La citoyenneté comme outil de répression

La famille d'Erick Kabendera a déclaré que ce n’était pas la première fois que le gouvernement tanzanien doutait de sa citoyenneté. En 2013, les autorités avaient porté une accusation similaire à son encontre, mais l'affaire avait été classée sans suite, selon The Citizen. M. Kabendera a estimé à l'époque que les autorités avaient remis sa citoyenneté en cause afin de le faire taire.

L'année dernière, The Citizen a également fait état de plusieurs autres cas dans lesquels le gouvernement avait utilisé la question de la citoyenneté comme “outil permettant de faire taire les critiques en Tanzanie”. Aidan Eyakuze, directeur exécutif de Twaweza, une organisation de la société civile centrée sur les voix des citoyens, a déclaré que les autorités avaient confisqué son passeport et interdit de voyager pendant qu’elles enquêtaient sur sa citoyenneté.

Deux semaines auparavant, Twaweza avait publié les résultats d'un sondage intitulé “Speaking truth to power? Citizens’ views on politics in Tanzania.” [Dire la vérité au pouvoir ? Les opinions des citoyens sur la politique en Tanzanie, NdT]. La Commission pour la science et la technologie (Costech) a déclaré que l'enquête n'était pas autorisée et a menacé d'engager des poursuites contre lui, mais a ensuite abandonné l'affaire, selon le même article de Citizen.

La Tanzanie a récemment adopté une série d'amendements et de lois visant les blogueurs et les médias [fr], les organisations de la société civile, artistiques et culturelles, ainsi que les universitaires et les chercheurs, dans ce que les observateurs critiques perçoivent comme une tentative de contrôle, d'étouffement de la liberté d'expression et de la dissidence en Tanzanie.

#FreeErickKabendera

Des centaines de journalistes, de défenseurs des droits de l'homme, de dirigeants et de citoyens concernés ont envahi les médias sociaux pour soutenir Erick Kabendera.

AFEX Africa qualifie ces accusations d'”acte de violation flagrant” :

Cela fait neuf jours et la police tanzanienne détient le journaliste d'investigation Erick Kabendera. @AFEXafrica appelle à la fin de cet acte de violation flagrant.

Erick Kabendera, qui guide souvent les journalistes en herbe, a inspiré ce tweet d'un ancien élève :

J'ai rencontré Erick Kabendera une fois dans ma vie pour un peu moins de 80 minutes. Il est venu en tant que tuteur invité dans ma classe (École de journalisme et de communication de masse à @UniofDar). Malgré le peu de temps qu'il a passé avec nous, j'ai beaucoup appris de lui. Il m'a vraiment inspiré !

Un autre internaute a noté que l'arrestation d'Erick Kabendera et ses accusations factices constituaient un avertissement pour les autres citoyens :

Je ne défends pas Erick Kabendera parce que c'est un Tanzanien ou un journaliste. Je le défends parce que je vis en Tanzanie où Erick habite. Si les droits ne lui sont pas accordés aujourd'hui, et que je reste silencieux, il est possible que demain, les droits me soient également refusés. Personne n'est en sécurité quand “l'injustice règne”.

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