Le 19 avril, le Mali a procédé au deuxième tour de son élection législative en dépit des menaces djihadistes et des incertitudes liées à la pandémie du COVID-19.
Après avoir voté au premier tour le 29 mars, les Maliens se sont rendu aux urnes pour un deuxième tour afin de renouveler les membres de leur parlement élu en 2013. Le mandat législatif, d'une durée de cinq ans, devait s’achever en 2018. Toutefois, les élections ont été reportées à deux reprises. Pour le dernier report, le journaliste malien Kané Illa explique dans un billet de l'agence Anadolu:
Le gouvernement a expliqué ces reports par la grève des magistrats -entamée depuis plus de deux mois en contestation des conditions financières et de travail, qui “a empêché l'acquisition par les candidats de certains documents nécessaires pour postuler aux législatives”.
Dans une déclaration publiée le 26 septembre dernier, l’opposition malienne avait demandé le report des législatives, soutenant “qu’aucune élection régulière, transparente et démocratique ne peut être organisée sans la correction de graves insuffisances et la mise à plat du système de fraude organisée, qui a marqué la dernière élection présidentielle“.
Aux dires des observateurs locaux, les élections se sont tenues dans les règles tout en intégrant les nouvelles mesures de santé publique liées à la pandémie du COVID-19. A la date du 26 avril on a enregistré 370 cas de COVID-19 dont 21 mortels.
Drissa Traoré, président de la Coalition pour l’Observation Citoyenne des Elections au Mali (COCEM), une plateforme d'organisations issues de la société civile, a déclaré lors d'une conférence de presse pour faire le point sur les premiers constats le jour même des élections le 19 Avril 2020:
Les observateurs de la Cocem ont constaté le renforcement des mesures préventives contre la propagation de COVID-19 par le gouvernement telle que la mise à disposition du gel, gants et des masques pour les agents électoraux et des électeurs dans certaines localités, des unités de lavage des mains dans certains centres de vote. Cependant, des telles mesures auraient pu être effectives dans tous les centres et bureaux de vote, tel que recommandé par la Cocem dans sa déclaration préliminaire du premier tour…
Et il ressort pour l’instant que 95% de bureaux de vote observés ont ouvert à l'heure (avant 8h15) et 5% des bureaux observés ont ouvert entre 8h15 et 9h30.
À l'issue de ces élections, Ibrahima Sangho, chef de la Mission d’Observation Électorale (MOE) et de la Synergie des organisations de la société civile entre autres, a tenu une conférence de presse sur le déroulement de ces élections. Un article reprend la principale déclaration:
Selon la Synergie des organisations de la société civile et de la CNDH (Commission nationale des droits de l’homme), le taux de participation global à la clôture était de 23,22%. En outre, la mission a noté que 53,87% des votants étaient des femmes.
Ces organisations de la société civile avaient déployé dans les 55 circonscriptions électorales plus de 1,200 observateurs.
Cependant, les taux fournis par Boubacar Alpha Bah, Ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, sont différents:
Le 19 avril, très peu d’électeurs ont effectué le déplacement dans les centres de vote pour élire leurs députés : 2.363.827 votants sur les 6.691.305 inscrits, 2.311.920 suffrages valablement exprimés, soit un taux de participation de 35,33%. Ces chiffres ont été communiqués, hier, par le ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, Boubacar Alpha Bah. Les résultats seront soumis à la Cour constitutionnelle qui a le dernier mot. Si cette institution valide les résultats compilés par le ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, l’Assemblée nationale ne changera pas fondamentalement de configuration.
Le taux fourni par le ministre est plus proche des taux de participation aux législatives en 2013 qui avait été de 37, 24% , et de celui du deuxième tour de la présidentielle qui a eu lieu le 12 août 2018, qui était de 34,54 %.
Selon ce que rapporte le journaliste Abdoulaye Ouattara, la Cour constitutionnelle a déjà validé les résultats du 1er tour le 9 avril 2020:
Au terme de son audience, la Cour a déclaré 22 députés élus dès le premier tour dans 11 circonscriptions électorales. Les 125 autres sièges seront attribués à l’issue du second prévu pour le 19 avril 2020.
Ces élections se sont déroulées dans des conditions particulières car d'un côté, il y a les massacres de villageois et des membres des forces armées maliennes que les groupes djihadistes imposent dans de vastes zones du pays, de l'autre on trouve les contraintes imposées par le gouvernement pour contrer la progression du COVID-19.
K. Richard Kouassi, rédacteur du site web à Afrique Sur 7 rappelle les dernières attaques meurtrières des jihadistes qui ont fait un lourd bilan:
Le Mali connaît actuellement un moment douloureux. Et pour cause, le lundi 6 avril 2020, le pays a subi une attaque perpétrée par des djihadistes. Selon l'AFP (Agence France presse), le bilan fait état de vingt soldats tués par les assaillants…
Vingt et neuf soldats maliens avaient été tués et cinq autres ont subi des blessures, avaient annoncé les Forces armées maliennes dans un communiqué. Cette attaque était la plus meurtrière qu'a connue le Mali en quatre mois.
Depuis près de dix ans, le pays est sous la menace de groupes armés qui endeuillent les populations et causent d'énormes pertes dans l'armée malienne.
Citant une source du Armed Conflict Location & Event Data Project (Projet de données sur les lieux et les événements de conflits armés) le site independant-mali.net fait savoir que:
Détérioration de la situation sécuritaire dans le nord et le centre du Pays: Plus de 1000 morts dont plus de 300 civils depuis janvier 2020
La révélation a été faite par ACLED (Armed Conflict Location & Event Data Project), une organisation non gouvernementale spécialisée dans la collecte, l’analyse et la cartographie des données de conflit. Selon cette organisation, malgré la propagation du COVID-19, l’intensité des violences armées au Mali n’a pas baissé d’un cran. Parmi les victimes qui en paient le plus lourd tribut figurent les civils, essentiellement dans les régions dites du Centre.