
Déchets sur un plan d'eau. Photo de Yogendra Singh via Pexels, sous licence Pexels.
L’article d'origine a été publié le 9 septembre 2020.
Tous les liens de cet article renvoient vers des pages en anglais.
Plus de 500 scientifiques, chercheur·se·s, et intellectuel·le·s indien·ne·s provenant de plus de 130 institutions ont rédigé une lettre ouverte exhortant le ministère de l'Environnement indien à abroger un projet de loi qui prévoit de réformer en profondeur les normes actuellement en vigueur pour les études d'impact sur l'environnement (EIE).
Parmi les motifs de grief, la lettre indique que les nouvelles normes de l'EIE, officiellement dénommées Projet de notification EIE 2020, encouragent le démarrage des opérations sans approbation préalable, moyennant une régularisation ultérieure par le paiement d'une amende. L'obligation de tenir des audiences publiques serait également levée pour certaines industries.
Les projets d'infrastructure de beaucoup de pays, y compris l'Inde, sont régis par la loi de 1986 sur la protection de l'environnement, ce qui fait que les compte-rendus d'EIE sont une étape obligatoire d'autorisation de ces projets.
La dernière mise à jour de la réglementation remonte à 2006. En mars 2020, le ministère a annoncé de nouveaux changements, qui sont ouverts aux commentaires du public jusqu'en août.
Le ministère a déclaré avoir reçu 1,7 million d'e-mails et de lettres comprenant des propositions, des observations, et des objections au projet.
Certaines plaintes pointent du doigt le fait que le projet n'a été publié qu'en anglais et en hindi, alors que l'Inde compte 21 autres langues officielles.
Le secrétaire d'État adjoint de la section dédiée aux technologies de l'information au sein du DMK, un parti politique régional du Tamil Nadu, a tweeté :
If there is nothing to hide, why the hesitation to release the EIA draft in the official languages of this country?! #ScrapEIA2020 pic.twitter.com/uRDK9Vs5bs
— இசை (@isai_) September 4, 2020
S'il n'y a rien à cacher, pourquoi hésiter à publier le projet d'EIE dans les langues officielles de ce pays ?! #AbandonnezEIE2020
Les internautes ont également dénoncé le projet de loi en ligne. Sweta Mahajan a déclaré sur Twitter :
EIA 2020 draft is deemed to be a threat to the environment with changes like the post facto clearance, shortening of public consultation time, power to the govt to declare some projects as strategic, reduction in the frequency of report submitted by the proponents of the project.
— Sweta Mahajan (@SwetaMahajan1) June 29, 2020
Le projet EIE 2020 est considéré comme posant un risque pour l'environnement. Il comprend des changements tels que l'approbation des projets après le début des opérations, la réduction du délai de consultation publique, l'attribution au gouvernement du pouvoir de déclarer certains projets comme stratégiques, la baisse de la fréquence à laquelle les rapports sont soumis par les promoteurs du projet.
La branche de Kerala de Fridays For Future, un mouvement mondial de grève pour le climat, a tweeté :
#IfWeDoNotRise pic.twitter.com/eIpNO41Jtr
— Fridaysforfuture. Kerala (@fffkerala) September 4, 2020
#SiOnNeSeSoulèvePas
[image] Une bande dessinée sur laquelle on peut voir un mur représentant l'EIE. D'un côté du mur se trouvent des politiciens indiens, et de l'autre se trouve une forêt. Le ministre dit : « Un obstacle se trouve sur le chemin du “développement”. M. le responsable des travaux de déblaiement, aidez-nous ! ». Un autre dit : « Plus d'obstacles en 2020 ! ». La forêt répond : « Au secours. Arrêtez EIE 2020 ».
L'utilisateur de Twitter et secrétaire d'État adjoint de la branche étudiante du DMK, Kavi Ganesan Veeraswamy, a déclaré :
After all that #corona has taught us, still the govt has prioritised opportunism over the citizens, without paying heed to the immense setbacks EIA drafts could possibly cause to the environment and our future generation.#ScrapEIA2020
— Kavi Ganesan Veeraswamy (@kavidmk) September 4, 2020
Après toutes les leçons du coronavirus, le gouvernement a tout de même décidé de donner la priorité à l'opportunisme, plutôt qu'aux citoyens, sans tenir compte des immenses problèmes que les projets de loi sur l'EIE pourraient causer pour l'environnement et les générations à venir.
La militante écologiste Licypriya Kangujam, âgée de huit ans, a tweeté :
Another protest today for Friday Climate Strike to #ScrapEIA2020.
Delhi has the worst air pollution of any capital. EIA 2020 exempts 25 “red” & “orange” toxic industries from Public Consultation & Expert Appraisal approval. This is unacceptable @moefcc. Withdraw Draft EIA 2020. pic.twitter.com/cC6kSWReus
— Licypriya Kangujam (@LicypriyaK) September 4, 2020
Aujourd'hui, Friday Climate Strike manifeste de nouveau pour abolir le projet de loi EIE 2020.
Delhi a la pire pollution atmosphérique de toutes les capitales. EIE 2020 a exclu 25 industries toxiques, « rouges » & « oranges », de l'accord sur la consultation publique & le rapport d'expertise. C'est inacceptable. Retirez le projet EIE 2020.
[Une jeune fille se tient devant le ministère de l'Environnement, des Forêts et du Changement climatique, avec une affiche dans les mains qui dit « Défendez la justice climatique, Luttez pour sauver notre futur et notre environnement, Retirez le Projet EIE 2020 ».].
La revue indienne Down to Earth, a publié un article sur cette affaire :
India has not only pledged ambitious goals in the environment and climate change on several international forums but has also taken a lead role in renewable energy in the form of the International Solar Alliance. Diluted domestic regulations seem inconsistent with these ambitions and the overall aspiration to be a global leader in the fight against pressing contemporary challenges.
L'Inde ne s'est pas seulement engagée vers des buts ambitieux pour l'environnement et le changement climatique sur de nombreux forums internationaux, mais a également assumé un rôle prépondérant dans les énergies renouvelables en créant l'Alliance solaire internationale. La faible réglementation nationale semble contredire ces ambitions et l'ensemble de ses aspirations à devenir un leader mondial dans la lutte contre les problèmes contemporains urgents.
Enfin, Anurag Srinivas a écrit sur le site du quotidien indien LiveMint :
India may be climbing the global rankings on the ease of doing business, but its environmental protection record remains dismal. In 2020, India ranked 168 out of 180 countries, according to Yale University’s Environmental Performance Index. [..] As India strives for further economic growth, it has to ensure this does not come at the cost of its environment, and a robust EIA legislation is critical for a sustainable future.
Même si l'Inde est en train de grimper dans le classement mondial en terme de facilité à faire des affaires, son bilan en matière de protection de l'environnement reste lamentable. En 2020, l'Inde se classait 168e sur 180 pays, selon l'indice de performance environnementale de l'université de Yale. [..] Alors que l'Inde s'efforce de poursuivre sa croissance économique, elle doit veiller à ce que cela ne se fasse pas au détriment de son environnement, et une législation EIE solide est essentielle pour un avenir durable.
Le gouvernement démantèle la réglementation et jugule l'activisme
L'Inde a été témoin d'un énorme désastre environnemental en 2020. Le 7 mai, une fuite de gaz à l'usine chimique LG Polymers de Visakhapatnam a tué 11 personnes [fr]. Le 9 juin, une autre fuite a mis feu à un puits pétrolier à Assam [fr], endommageant des zones aux écosystèmes sensibles, le Parc national de Dibru-Saikhowa [fr] et les zones humides de Maguri-Motapung [fr].
Le gouvernement, sous la direction du Premier ministre, Narendra Modi, encourage des projets de développement controversés, notamment l’expansion des zones de forage de la société d'État Oil India dans l'Assam, et la ligne ferroviaire Hubballi-Ankola.
En juillet, le gouvernement indien a bloqué les sites Web de militants écologistes, parmi lesquels FridaysForFuture India (Vendredi pour le futur – Inde), Let India Breathe (Laissez l'Inde respirer) et There is No Earth B (Il n'y a pas de planète B), en vertu de la loi de prévention des activités illicites. Cette action faisait suite à des campagnes menées par ces organismes contre le projet de loi sur l'EIE.
Les sites ont été remis en ligne [fr] à la suite d'importants mouvements de protestation en ligne, notamment des tweets de la militante adolescente suédoise Greta Thunberg. Alors que les autorités disent avoir abandonné toutes les poursuites, un article du Huffington Post a révélé que la police de New Delhi enquêtait toujours sur FridaysForFuture India et Let India Breathe.
There Is No Earth B a partagé une déclaration sur l'enquête policière :
While we still haven't been informed of the reasons behind our website getting blocked despite having no objectionable content whatsoever, we have found that we are not alone in facing this issue…Fridays For Future India and Let India Breathe have been subjected to a similar unjustified curtailment of the democratic as well as a fundamental right to freedom of expression…..Of key importance is the fact that all three of us have been running campaigns through our respective websites against the dilution of the EIA Notification by way of the new draft EIA Notification, 2020.
Bien que nous n'ayons toujours pas été informé·e·s des raisons pour lesquelles notre site Web a été bloqué malgré l'absence de contenu répréhensible, nous avons constaté que nous ne sommes pas seul·e·s à faire face à ce problème … Fridays For Future India et Let India Breathe ont été soumis à une restriction similaire et injustifiée de leur droit démocratique fondamental à la liberté d'expression… Rappelons que nous avons tous les trois mené des campagnes sur nos sites Web respectifs contre la dilution des [exigences de] notification d'EIE introduite par le biais du nouveau projet de loi sur l'EIE (EIA Notification, 2020).