Le conflit territorial entre le Guyana et le Venezuela s'intensifie autour d'un gisement pétrolier

Capture d'écran du gisement pétrolier Liza dans le bloc Stabroek majoritairement détenu par ExxonMobil, tirée d'une animation de la vue d'ensemble de la mer guyanaise, postée en 2017 sur la chaîne Youtube de la Hess Corporation. Ce gisement pétrolier fait l'objet d'une dispute frontalière entre le Venezuela et le Guyana.

[Sauf mention contraire, tous les liens de cet article renvoient vers des pages en anglais, ndlt.]

Les tensions politiques entre le Guyana et le Venezuela se sont intensifiées dans le contexte d'un conflit frontalier de longue date concernant une zone qui comprend les deux tiers de la petite nation anglo-saxonne sud-américaine. La zone en question est la riche province de l'Essequibo, où le géant énergétique ExxonMobil a entamé une exploration pétrolière en 2008. L'entreprise a récemment découvert d'importantes réserves de pétrole et de gaz au Guyana, plaçant le pays au seuil d'un boom économique.

Le 9 janvier, le président vénézuélien, Nicolás Maduro, a annoncé qu'il comptait « reconquérir » la province, située à l'ouest du fleuve guyanais, l'Essequibo. Bien que la zone possède des richesses en or, en diamants et en bois, l'objet de la revendication vénézuélienne se trouve en mer—là où est situé le champ pétrolier d'ExxonMobil, Liza, dont la compagnie estime qu'il pourra produire environ 120 000 barils de pétrole par jour. Dans la présentation du projet, ExxonMobil décrit la zone comme faisant partie du bloc Stabroek, et l'a baptisée « le premier grand gisement de pétrole en mer de Guyane ».

La découverte des ressources pétrolières et gazières au Guyana a fait du pays un nouvel acteur de l'industrie énergétique globale, alors que le Venezuela est déjà bien implanté sur le marché. Bien que le Venezuela soit doté de la plus grande réserve de pétrole au monde, avec plus de 300 milliards de barils, la nation se trouve depuis quelques années au bord d'une crise socio-économique. La crise s'est aggravée en 2017, après que la Cour suprême du pays a invalidé son assemblée nationale.

En 2019, le président Maduro a ordonné que des poursuites judiciaires soient engagées à l'encontre du leader de l’opposition Juan Guaidó. Celui-ci est accusé de trahison au motif qu'il aurait accepté de renoncer à toute revendication appuyant la souveraineté du Venezuela sur la province de l'Essequibo. Cette nouvelle pression exercée par le Venezuela se produit dans le sillage de l'inauguration, ce 5 janvier, d'une assemblée pro-Maduro, dont la légitimité est remise en question par l'opposition.

De son côté, le président du Guyana, Irfaan Ali a décrit les revendications de Maduro comme étant « nulles au plan juridique », expliquant :

I remind that sovereignty over this coast, and the land territory to which it is attached, were awarded to Guyana (then British Guiana) in the 1899 Arbitral Award, whose validity and legally binding character Guyana is confident the International Court of Justice (ICJ) will uphold unequivocally.

Je rappelle que la souveraineté sur cette côte, et sur les territoires auxquels elle est rattachée, a été attribuée au Guyana (à l'époque Guyane britannique) par la sentence arbitrale de Paris en 1899. Le Guyana reste assuré que la Cour internationale de Justice (CIJ) saura faire respecter sans conteste la validité et la valeur légale de cette décision.

À la suite des exercices militaires menés conjointement par les garde-côtes du Guyana et des États-Unis le 8 janvier, l'Amiral Craig Faller, commandant du Commandement Sud des États-Unis, s'est rendu au Guyana le 11 janvier pour une visite de trois jours, un signe indiquant que les intentions de l'administration sortante de Trump sont en phase avec celles du Guyana.

Le Venezuela, autrefois un partenaire clé, entretient une relation conflictuelle avec les États-Unis depuis l'élection du président socialiste Hugo Chávez en 1998. En 2018, le ministère vénézuélien des Affaires étrangères a déclaré que l'implication des États-Unis dans cette dispute équivalait à une « interférence ».

L'ambassadrice des États-Unis au Guyana, Sarah-Ann Lynch, a prôné une résolution pacifique par voie légale :

Les États-Unis ont longtemps demandé à ce que le conflit frontalier entre le Guyana et le Venezuela soit résolu pacifiquement et en toute légalité et nous renouvelons cet appel aujourd'hui.

Le litige a été porté devant les tribunaux de la Cour internationale de Justice (CIJ), la principale branche judiciaire des Nations Unies, en juin 2020. Le Venezuela a continuellement refusé de prendre part aux procédures de la CIJ, expliquant préférer un règlement du conflit aux moyens de discussions bilatérales.

Le ministre Jorge Rodriguez, qui a remplacé Guaidó au parlement vénézuélien, aurait accusé l'opposition d'être de mèche avec la CIJ afin que celle-ci rende un verdict en faveur du Guyana dans ce conflit frontalier.

Malgré les efforts d'ExxonMobil pour continuer à opérer normalement, il y a eu quelques incidents au cours desquels des navires vénézuéliens ont intercepté leurs bateaux puis les ont renvoyés de la zone, affirmant qu'ils ne se trouvaient pas sous la juridiction guyanaise.

La communauté des Caraïbes (CARICOM) a par le passé exprimé son engagement à « venir en aide au Venezuela et au Guyana dans la résolution de ce conflit » et a insisté sur le fait que la communauté privilégiait « une solution pacifique » à cette impasse. Le nouveau président de la CARICOM, le premier ministre de Trinité-et-Tobago, Keith Rowley, présidera une conférence virtuelle des États membres le 14 janvier, mais il reste à savoir si cette dispute territoriale sera au programme des discussions.

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