Au Cameroun, deux femmes transgenres condamnées à cinq ans de prison pour “tentative d'homosexualité”

En 2016, le Cameroun a durci la loi en criminalisant l'homosexualité dans le code pénal

De gauche à droite : Njeukam Loïc Midrel (Shakiro) et Mouthe Roland (Patricia). Crédit image : Shakiro/Facebook

Bien que l'identité de genre de Shakiro et Patricia implique de les désigner au féminin, certaines citations de sources externes (Twitter, interviews, etc) utilisent le masculin associé à un vocabulaire se référant à l'homosexualité et au travestissement. Ces citations ont été retranscrites fidèlement.

Le 11 mai, deux personnes transgenres camerounaises, Njeukam Loïc Midrel (Shakiro) et sa “complice”, Mouthe Roland (Patricia), ont été condamnées à cinq ans de prison et 200 000 francs CFA (370 USD) pour “tentative d'homosexualité, habillement indécent et défaut de pièce d'identité”, rapporte la BBC.

Shakiro, 23 ans, et Patricia, 27 ans, ont été arrêtées le 8 février dans un restaurant de Douala, la capitale économique du Cameroun.

Le célèbre travesti camerounais Shakiro ainsi qu'une autre personne condamnés à 5 ans de prison pour “tentative d'homosexualité”

Le non-paiement de l'amende entraîne une peine supplémentaire d'un an de prison.

Shakiro et Alice Nkom au tribunal. Image utilisée avec autorisation.

Alice Nkom, avocate des droits humains et avocate principale de la défense de Shakiro et Patricia, a publié [fr] une note apparemment furieuse sur  Facebook, le 12 mai : “Quelle loi punit pendant cinq ans les [femmes] trans pour avoir porté une jupe ? Personne ne devrait être emprisonné pour un simple soupçon ; cela ouvre la porte à l'emprisonnement sans preuve ?”

Me Nkom soutient que ses clientes sont innocentes selon le code pénal camerounais, dont l’article 347-1 [fr] [paraphrasé ici par l'avocate] interdit [fr] la relation sexuelle entre personnes du même sexe, et uniquement prise en flagrant délit [dans l'acte même de commettre le méfait]”.

En 2016, le Cameroun a durci la loi en criminalisant l'homosexualité dans le code pénal. L'un des changements comprend la formulation de la loi en termes de genre neutres. Par conséquent, il peut être appliqué aux “relations sexuelles entre hommes et entre femmes”, selon l'organisation de la société civile Human Dignity Trust basée au Royaume uni.

Un autre aspect de la loi de 2016 est que la police peut légalement avilir la dignité des personnes LGBTQ+ en garde à vue par des “examens anaux forcés” ayant pour “objectif de trouver des ‘preuves’ de conduite homosexuelle”, affirme Human Rights Watch.  

La peine prévue  est un emprisonnement de six mois à cinq ans en plus d'une amende de 20 à 200 000 francs CFA (40-400 USD).

Au Cameroun, les Tribunaux de Première Instance sont compétents pour le civil dans les cas où les charges n'excèdent pas 500 000 francs CFA (environ 1 000 USD) d'amende.

Richard Tamfu, avocat des droits humains et membre de l'équipe de défense de Shakiro et Patricia, a déclaré à Global Voices le 17 mai que ses clientes feraient appel de la condamnation. Cependant, selon Tamfu, une nouvelle audience peut prendre entre un mois et un an, en fonction de la rapidité avec laquelle les procédures d'appel se déroulent devant le tribunal.

Solidarité internationale

La décision a attiré la condamnation internationale des groupes de défense des droits humains et les conversations ont afflué sur les réseaux sociaux.

Minority Rights Africa a décrit la décision comme “une répression croissante contre les personnes homosexuelles et transgenres” :

Des femmes transgenres condamnées à de la prison pour “tentative d'homosexualité”. Shakiro, 23 ans, et Patricia, 27 ans, ont été condamnées à cinq ans de prison à Doula [sic], au Cameroun, où la répression contre les personnes homosexuelles et transgenres est de plus en plus sévère.

African Women in Dialogue a partagé une pétition en ligne pour faire libérer Shakiro et Patricia :

Arrêtées pour être trans au Cameroun et passibles d'une peine de 5 ans.

Veuillez signer la pétition pour que Shakiro et Patricia soient libérées !

Cet utilisateur de Twitter affirme que “droits LGBT = droits humains” :

#Cameroun#LGBT
“Elle était une star des réseaux sociaux transgenres. Elle risque maintenant 5 ans de prison”, via @washingtonpost https://t.co/LI3Uoilqrv
Shakiro et son amie Patricia, 2 femmes transgenres arrêtées en février à Douala, devraient être libérées d'urgence.
Droits LGBT = droits humains.

L'ambassade des États-Unis au Cameroun a invité le gouvernement à veiller à ce que les individus jouissent de leurs droits humains et libertés fondamentales :

Nous sommes préoccupés par la peine de 5 ans pour 2 femmes transgenres et l'augmentation des arrestations de personnes LGBTQI+ au Cameroun. Il est essentiel que les gouvernements veillent à ce que tous les individus puissent jouir librement des droits humains et des libertés fondamentales auxquelles elles ont droit.

“Je me sens bien en tant que femme”

Njeukam Loic Midrel (Shakiro). Crédit photo : Shakiro/Facebook

Sur une vidéo YouTube populaire de l'année dernière – qui a attiré environ 26 000 vues – Shakiro dit qu'elle se sent “bien en tant que femme”. Shakiro est une célébrité des réseaux sociaux, avec environ 5 000 fans sur Facebook ; il n'est donc pas surprenant que son arrestation, neuf mois plus tard, ait fait la une des journaux.

Mais l'attention médiatique portée à son affaire a également augmenté les menaces contre la communauté LGBTQ+ du Cameroun.

Lors d'un entretien téléphonique avec Global Voices le 16 mai, OS (nom réel omis pour des raisons de sécurité), 25 ans, a exprimé des inquiétudes pour sa sécurité :  “Nous sommes exposés aux insultes, à la violence et privés de la libre circulation, ce qui nous rend la vie difficile. Nous ne sommes plus aussi joyeux qu'avant, nous nous cachons”, a-t-il déclaré.

“L'environnement haineux est une menace pour nos vies à cause des réactions faisant suite à la condamnation de Shakiro et Patricia. Nous ne nous sentons pas comme des gens normaux, nous avons besoin d'aide pour sortir de ce pays”, a ajouté OS.

Ce n'est qu'après avoir quitté le Cameroun que la populaire défenseuse des droits LGBTQ+ Bandi Kiki a pu exprimer ouvertement sa sexualité.

En février 2021, la BBC a signalé le meurtre de trois personnes LGBTQ+ et 27 arrestations au Cameroun.

Bien qu'il y ait eu de la stigmatisation à l'égard des familles des personnes LGBTQ+, le père de Shakiro, Nguekam, un fonctionnaire à la retraite, a accepté la sexualité de son enfant et l'a soutenue.

“Mon enfant ne mérite pas ce genre de punition et n'a rien fait de mal pour être enfermée derrière les barreaux”, a déclaré le père lors d'un entretien téléphonique avec Global Voices.

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