La Nouvelle-Calédonie vote non à son indépendance lors un référendum boycotté par la communauté autochtone

Carte électorale pour le vote par référendum de novembre 2018 sur l'indépendance de la Nouvelle-Calédonie. Photo Flickr prise par gérard (CC BY-SA 2.0).

[Sauf mention contraire, tous les liens renvoient vers des pages en anglais, ndlt.]

Le 12 décembre dernier, les votants néo-calédoniens ont majoritairement décidé de demeurer un territoire français lors d'un référendum marqué par un faible taux de participation et l'abstention de la population [fr] autochtone kanake.

La Nouvelle-Calédonie, territoire du Pacifique Sud, fut colonisée par la France en 1853 et devint une colonie pénale [fr] abritant des détenus et dissidents politiques. Elle figure sur la liste de l'ONU des territoires en attente de décolonisation depuis 1986.

Durant les années 1980, de violents affrontements éclatent entre les Kanaks et les descendants de colons européens, menant à la création et à la signature de l’accord de Nouméa [fr] en 1998 qui établit un référendum d'indépendance divisé en trois parties, afin de déterminer l'avenir politique de la Nouvelle-Calédonie.

Le premier référendum a eu lieu en novembre 2018 tandis que le deuxième vote a eu lieu en octobre 2020. À l'issue de chacun de ces votes, les participants ont fait le choix de demeurer un territoire français, mais on ne comptait que 10 000 voix pour un taux de participation de plus de 80%. Le nombre estimé d'électeurs n'ayant pas fait de choix s'élevait à 25 000. Le bloc anti-indépendantiste s'attendait à une victoire écrasante de leur cause, mais les deux référendums ont plutôt reflété le soutient croissant envers la campagne d'autodétermination de la population Kanake.

Différents groupes ont appelé à ce que le troisième référendum soit reporté, au vu de l'impact des restrictions imposées suite à la pandémie de COVID-19 [fr]. Les aînés kanaks ont également déclaré vouloir mettre en place une année de deuil suite au décès de plus de 300 Kanaks décédés de la COVID-19 cette année. Cependant, la France a rejeté cette pétition et programmé le référendum pour le mois de décembre, malgré la possibilité de tenir le vote jusqu'à un an après la date prévue, tel que le permet l'accord de Nouméa.

En réponse à cela, les groupes pro-indépendantistes ont exhorté les votants à boycotter le référendum, et avec l'abstention de la population kanake, le taux de participation s'est élevé à seulement 43,9%.

Des organisations de la société civile du Pacifique ont déclaré rejeter les résultats du référendum :

The referendum was not consultative and it does not serve the common good of the Kanaky population, who exercised their right to not participate in the pseudo-referendum.

This non-participation of pro-independence indigenous people should have been a clear signal to France of the public mood, recognising that the poll results cannot be received as the genuine resolve of the Kanak people.

L'approche du référendum n'était pas consultative et il ne répond pas au bien commun de la population de Kanaky qui a joui de son droit de non-participation à ce prétendu référendum.

Cette abstention des autochtones pro-indépendantistes aurait dû être une preuve évidente de l'ambiance générale pour la France qui doit reconnaître que les résultats du vote ne peuvent être pris en compte comme étant la véritable décision finale du peuple kanak.

Le Melanesian Spearhead Group, une organisation sous-régionale composée de cinq membres qui regroupe la Papouasie-Nouvelle-Guinée, les îles Fiji, le Vanuatu, les îles Salomon ainsi que le principal rassemblement néo-calédonien pour l'indépendance (FLNKS), a demandé à ce que l'ONU déclare les résultats de ce troisième référendum comme nuls et non avenus suite à l'abstention du peuple autochtone de Kanaky.

Nous soutenons fermement la demande du FLNKS à ce que l'ONU déclare les résultats du troisième référendum nuls et non avenus suite à la « non-participation » du peuple de Kanaky. Le taux de participation au vote représentait moins de 50% du nombre d'électeurs inscrits et ne peut donc être interprété comme étant le souhait légitime de la majorité silencieuse!

— MSG Secretariat (@MsgSecretariat) 31 décembre 2021

Marylou Mahe, étudiante kanake en France, nous partage les sentiments de son peuple :

The future of New Caledonia cannot be built without its indigenous people. The Kanak voice is the cornerstone of New Caledonia’s common destiny.

This is a time for traditional Kanak mourning. More than 50 per cent of the people who have died from the virus are Kanak. The Customary Senate, the representative body of the Kanak people, has declared a period of mourning of one year.

Yet the state has dismissed this issue. We felt this was a sign of contempt. I have the impression that my culture is being ignored, that my Kanak identity is being denied, and that we are being set back more than 30 years. To a time when our voice did not count. As if I and we didn’t exist.

L'avenir de la Nouvelle-Calédonie ne peut être décidé sans le peuple autochtone. La voix des Kanaks est la pierre angulaire du destin commun de la Nouvelle-Calédonie.

Nous sommes dans une période de deuil traditionnel kanak. Plus de 50% des gens décédés du virus sont des Kanaks. Le Sénat coutumier, organisme représentatif du peuple kanak, a déclaré mettre en place une période de deuil d'un an.

Néanmoins, l'État a rejeté la question. Nous avons perçu cela comme du mépris. J'ai le sentiment que ma culture est ignorée, que l'on rejette mon identité kanake, et que nous reculons 30 ans en arrière à l'époque où notre opinion ne comptait pas, comme si nous n'existions pas.

Le chercheur David Robie souligne l'importance de la Nouvelle-Calédonie pour la France au plan géopolitique:

New Caledonia is critically important to France’s projection of its Indo-Pacific economic and military power in the region, especially as a counterbalance to growing Chinese influence among independent Pacific countries. Its nickel mining industry and reserves, important for manufacturing stainless steel, batteries and mobile phones, and its maritime economic zone are important to Paris.

La Nouvelle-Calédonie est extrêmement importante pour l'influence économique et le pouvoir militaire de la France dans la région indo-pacifique, et plus particulièrement pour faire face à l'influence chinoise croissante dans les pays indépendants du Pacifique. L'industrie minière du nickel et ses réserves, qui sont importantes pour la fabrication de l'acier inoxydable, des téléphones portables et des batteries, ainsi que la zone économique maritime sont des enjeux importants pour Paris.

La France a accepté les résultats du référendum et s'engage à mettre en place davantage de réformes et de dialogues en Nouvelle-Calédonie. Les responsables du vote ont déclaré que le faible taux de participation n'affectait pas la validité légale du référendum.

Il est à craindre que la décision d'ignorer l'appel des Kanak à reporter le référendum n'enflamme à nouveau les tensions politiques. En attendant, en Nouvelle-Calédonie, le combat pour l'autodétermination kanake continue.

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