Kenya : une controverse entoure l'interdiction par le Parlement des « tenus Kaunda » et des vêtements traditionnels africains

Le Président William Ruto portant un costume Kaunda. Capture d'écran de la vidéo YouTube, « Un député de l'UDA expulsé du Parlement pour avoir porté les vêtements de Ruto » sur Emqba News. Utilisée avec permission.

[Sauf indication contraire tous les liens mènent vers des sites en anglais]

Le mardi 28 novembre, le parlement kenyan a pris une décision controversée interdisant le port du costume Kaunda et de tenues traditionnelles africaines. Le procès Kaunda, nommé d'après le défunt président zambien Kenneth Kaunda [fr], est l'une des tenues préférées du Président kényan William Ruto [fr].

BBC News Afrique
@BBCAfrique
🛑 Pas de tenus Kaunda ni de vêtements traditionnels africains.

Le parlement du Kenya a interdit l'accès aux costumes Kaunda, du nom du défunt président zambien Kenneth Kaunda, à l'intérieur du bâtiment.

Le Président du Parlement dit qu'ils enfreignent le code vestimentaire établi au Parlement. https://t.co/5127MHioiW

— BBC News Africa (@BBCAfrica) 30 novembre 2023

Le Parlement kenyan a déjà engagé dans le passé des discussions sur le code vestimentaire. En novembre 2020, une décision a été rendue publique autorisant les députés à s'habiller en tenue africaine traditionnelle dans les locaux du parlement. Cette décision représentait un changement notable dans la politique du code vestimentaire, marquant la reconnaissance et l’intégration du patrimoine culturel africain. Cette décision a maintenant été annulée.

Le Président du Parlement Moïse Wetangula a décrit le « code vestimentaire approprié pour les membres du Parlement ». Pour les hommes , il énumère les manteaux, cols, cravates, chemises à manches longues, pantalons, chaussettes, chaussures ou uniformes de service comme tenue appropriée. Pour les femmes, le code interdit les chemisiers sans manches et fixe des normes pour la longueur des jupes et des robes, qui doivent être sous le genou et « décentes ». Notamment, les vêtements traditionnels, y compris le costume Kaunda, ont été exclus du code vestimentaire . Comme l'a expliqué le Président du Parlement, l'interdiction a été motivée par les tendances émergentes de la mode, perçues comme remettant en cause le code vestimentaire parlementaire tel qu'établi.

Le costume Kaunda, se distinguant par sa Saharienne, et souvent associé à un pantalon assorti, a une histoire remontant au 19e siècle, et a été popularisé par Kenneth Kaunda, le premier président postcolonial de la Zambie. Comme indiqué sur le site Web de Syowia Kyambi, dans les années 1960, à l'époque des mouvements d'indépendance africains, des personnalités influentes, dont Sam Nujoma [fr] et Julius Nyerere [fr] portaient le costume Kaunda.

Kaunda a attribué à Nyerere le mérite d'avoir donné son nom à la tenue. Kaunda a peut-être également été inspiré par le fondateur emblématique de la République populaire de Chine, Mao Zedong [fr], dont le style de tunique – et idéologie – Kaunda admirait. À juste titre, la tenue est également appelée « Costume Mao » [fr], bien qu'elle ait été introduite à l'origine par Sun Yat-sen, fondateur de la République de Chine (Taiwan) et connu sous le nom de costume Zhongshan. Des costumes similaires ont également été portés par des dirigeants, intellectuels et socialistes dans de nombreuses régions du monde, notamment en Australie et en Europe occidentale.

En portant la tenue Kaunda, ces dirigeants faisaient la promotion d'une idéologie de solidarité et mettaient l'accent sur un sentiment d'individualité distinct des influences occidentales. Cela suggère que le costume Kaunda était considéré comme un symbole de l’identité africaine et un rejet de la domination culturelle occidentale.

Le Président kenyan, William Ruto, est fréquemment vu portant un élégant costume Kaunda lors d'événements officiels, contribuant ainsi à sa popularité parmi l'élite politique du pays. Dans une interview avec TV47, le tailleur officiel de Ruta, Ashok Sunny, a déclaré que le choix de Ruto de porter le costume Kaunda était une démonstration de soutien à l'industrie locale et aux vêtements fabriqués au Kenya, approuvant les talents de ceux qui créent des vêtements tout en embrassant la culture africaine. Cependant, Sunny a reconnu que d'autres le percevaient comme un look de « dictateur » parce que « la plupart des vieux dictateurs » portaient des tenues similaires .

Néanmoins, l’interdiction a suggéré un discours différent, provoquant le mécontentement de nombreux utilisateurs africains des médias sociaux. Beaucoup se demandent désormais pourquoi la tenue vestimentaire africaine est restreinte dans un parlement africain.

Un utilisateur de YouTube a commenté une vidéo de Make Afrika Great, exprimant sa frustration : 

N'est-il pas suffisant que nous parlions encore les langues de nos oppresseurs ? Qu’est-ce qui ne va pas en Afrique, mon Dieu ? Comment le Parlement peut-il interdire nos vêtements traditionnels ? C'est notre identité et notre culture. Regardez les Arabes, ils n'utilisent pas de vêtements occidentaux, mais leurs vêtements culturels. C'est très triste. Le peuple kenyan doit descendre dans la rue et protester contre cette décision.

Cette décision a déclenché un débat plus large sur la représentation culturelle et le respect de soi. Un utilisateur de X (anciennement Twitter) a déclaré :

Cet éloignement de nos racines et vers les normes coloniales supprime notre identité. Nous devons adopter notre culture, pas la restreindre. Nous ne pouvons pas continuer à singer l’Occident simplement pour pouvoir être reconnus sur la scène mondiale.

D’autres utilisateurs des médias sociaux affirment qu’adopter les vêtements traditionnels africains est un moyen de rechercher l’identité et de célébrer les styles africains, suggérant qu’une telle interdiction contredit ce sentiment.

Certains se demandent si l'Afrique peut être respectée dans le monde si elle n'honore pas ses propres vêtements traditionnels, tandis que d'autres spéculent avec humour que le costume Kaunda pourrait désormais être réservé exclusivement au président Ruto. Cette idée a commencé à faire son chemin récemment, lorsqu'un député de l’Alliance démocratique unie (UDA) a été expulsé de l'hémicycle pour avoir porté un costume Kaunda.

Les défenseurs de l'introduction de styles vestimentaires diversifiés qui représentent authentiquement la culture africaine sur la scène mondiale estiment que cette décision relève de l'autorité du gouvernement et qu'elle est guidée par les lois existantes datant de l'époque coloniale.

Commentez

Merci de... S'identifier »

Règles de modération des commentaires

  • Tous les commentaires sont modérés. N'envoyez pas plus d'une fois votre commentaire. Il pourrait être pris pour un spam par notre anti-virus.
  • Traitez les autres avec respect. Les commentaires contenant des incitations à la haine, des obscénités et des attaques nominatives contre des personnes ne seront pas approuvés.