Au Tchad, mort de Yaya Dillo Djérou, principal opposant au pouvoir militaire en place

Yaya Dillo Djerou, habillé en blanc, capture d'écran de la chaîne YouTube de Tv5monde

Au Tchad, la mort de l'opposant Yaya Dillo Djérou constitue un handicap sérieux pour l'opposition tchadienne à deux mois des élections présidentielles de mai 2024.

Le 6 mai 2024, les Tchadiens vont choisir leur prochain dirigeant lors des élections présidentielles, suite à une annonce faite par l’Agence nationale de gestion des élections (ANGE) le 27 février 2024. Ce processus électoral devrait signifier la fin de la période de transition dirigée par Mahamat Idriss Déby qui a débuté en avril 2021, au lendemain de la mort du président Idriss Déby Itno, décédé le 20 avril 2021.

C'est dans ce contexte de campagne pré-électorale que l'opposition tchadienne perd un acteur de taille: le 28 février 2024, le principal opposant Yaya Dillo Djérou est mort.

Lire : Tchad: La nomination de l'opposant Succès Masra au poste de Premier ministre sonne-t-elle la fin de la crise politique?

Qui est Yaya Dillo Djérou?

L'ex-opposant tchadien est un membre très proche de la famille du régime en place: Yaya Dillo Djérou est le neveu d’Idriss Déby Itno et a longtemps travaillé à ses côtés jusqu'à leur rupture début 2021. Entre 1989 et 1990, il a aussi combattu en tant que membre actif au sein du Mouvement Patriotique pour le Salut (MPS), la rébellion d'Idriss Déby Itno, alors opposant, pour renverser le pouvoir d’Hissène Habré, président de 1982 à 1990. Après des études au Canada, Dillo, comme il est généralement appelé au Tchad, revient au pays et se rallie officiellement à Idriss Déby Itno. Toutefois, cette alliance prend fin pendant la pandémie de Covid-19 quand Dillo est accusé par le camp présidentiel de diffamation sur la personne de Hinda Déby Itno, première dame du pays.

Convoqué par la justice, Dillo refuse à l'époque de répondre aux accusations. Le 27 février 2021, son domicile est pris d'assaut. Dans les affrontements, il perd deux membres de sa famille, sa mère et son enfant. Il fuit le Tchad et se réfugie en exil en Belgique.

Mais avant de partir, il dépose sa candidature au nom du Parti socialiste sans frontières (PSF) pour l’élection présidentielle d'avril 2021 ; toutefois sa candidature est invalidée par la Cour suprême.

Après la mort d’Idriss Déby Itno, le 20 avril 2021, Dillo rentre au pays et lance des initiatives pour fédérer l'opposition tchadienne en vue de faire front commun pour les élections présidentielles de mai 2024. Il réussit ainsi à rallier à sa cause Saleh Deby Itno, l'oncle paternel de l'actuel chef de l’État Mahamat Idriss Déby.

Les circonstances de la mort de Yaya Dillo Djérou

Le 27 février 2024, des échanges de tirs résonnent dans une attaque aux alentours de l’Agence nationale de sécurité du Tchad, située dans la ville de N'Djaména, capitale du pays, suite à l'arrestation du secrétaire chargé des finances du PSF. Ce dernier est accusé d'avoir organisé, le 19 février 2024, une tentative d'assassinat contre Samir Adam Annour, président de la Cour suprême du Tchad. Ces accusations sont rejetées par Dillo qui qualifie ces propos de mise en scène.

Selon le gouvernement tchadien, l'attaque de l'Agence nationale de sécurité est menée par des éléments du parti PSF. En réponse, le 28 février 2024, les forces armées mènent un assaut sur le siège du parti qui fait une dizaine de victimes : sept  morts dont quatre dans le rang des forces armées, et trois morts du côté du PSF, dont Yaya Dillo Djérou. Dans la foulée, Saleh Déby Itno est aussi arrêté par les forces armées.

Pour les membres du parti de Dillo, il s'agit d'un assassinat. Cité dans un article de Tv5monde, Robert Gamb, secrétaire général du PSF, interviewé par l'Agence France Presse (AFP) depuis Libreville, capitale du Gabon, déclare :

C'est une exécution, ils ont tiré à bout portant sur lui pour l'exécuter car il était devenu gênant. On ne peut pas attaquer avec tout un arsenal de guerre un opposant seul dans un bureau” et “qui n'avait pas d'arme”.

Max Kemkoye, chef du groupe de concertation des acteurs politiques souscrit à la thèse des membres du parti de l'ex-opposant. Dans cette vidéo de Tv5monde, il explique :

Le gouvernement nie cette accusation des membres du parti politique de l'opposant défunt. Dans le même article de Tv5monde, Abderaman Koulamallah, ministre de la communication indique que c'est l'opposant qui a déclenché les échanges de tirs dans lesquels il est mort :

Nous n'avons exécuté personne. Il a refusé de se rendre, il y a eu des échanges de balles, il n'y a pas eu d'exécution dans cet assaut qui a fait quatre morts chez les militaires et trois dans le camp de M. Dillo. Il avait lui-même tiré sur les forces de l'ordre.

Sur le réseau X (ex-Twitter), Nathaniel Olympio, homme politique togolais fait un lien entre la mort de Yaya Dillo Djérou et celle d’Ibni Oumar Mahamat Saleh, un autre opposant tchadien disparu en 2008. Sur son compte, il écrit :

Le 1er mars 2024, deux jours après l'assaut, le siège du parti politique PSF est démoli sur ordre des autorités du pays.

Depuis le référendum du 17 décembre 2023, qui porte sur l'adoption de la nouvelle constitution tchadienne, le contexte de l’actualité politique se tend dans ce pays positionné à la 109è place sur 180 pays dans le classement 2023 de Reporters sans frontières. Cette place illustre la restriction de la liberté d'expression dans le pays.

Lire : Le retour annoncé d'un opposant tchadien candidat aux présidentielles : décryptage avec l'expert Bienvenue Madjilem

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