Au Tchad, le paysage médiatique ne protège pas les journalistes

Le siège de l'Office national des médias audiovisuels (ONAMA) du Tchad ; Photo de Jean Sovon, utilisée avec permision

Le siège de l'Office national des médias audiovisuels (ONAMA) à N'Djaména au Tchad ; Photo de Jean Sovon, utilisée avec permission

A moins de deux mois des élections présidentielles du 6 mai 2024, les journalistes vivent dans un contexte de menaces de mort au Tchad, un pays où la liberté de presse et d'expression restent menacés.

En 2023, le classement de Reporters sans frontières (RSF)sur la liberté de la presse  met le Tchad à la 109è place sur un total de 180 pays. Les professionnels de médias font en effet face à des menaces et des restrictions dès qu'ils abordent des sujets jugés sensibles par l'autorité de la transition ( le pouvoir en place à la suite de la mort d’Idriss Déby, ancien président ), actuellement dirigé par Mahamat Idriss Deby, président de la transition depuis avril 2021.

Le Tchad compte deux langues officielles qui sont le français et l'arabe. Même si les deux langues sont utilisées dans les médias, le français reste la langue la plus utilisée par les professionnels de médias. Le pays dispose également de 150 langues parlées pour une population de plus de 18 millions d'habitants

Selon les chiffres de Data Reportal de janvier 2023, près d'un quart de la population tchadienne vit dans des centres urbains, alors que le reste vit dans les zones rurales. La plupart des gens accèdent à l'information par portable.

Menaces et suspensions

La violence à l'encontre des journalistes fait partie du quotidien tchadien. L'assassinat d'Idriss Yaya, journaliste du média Radio Communautaire de Mongo, tué le 1er mars 2024 avec toute sa famille en est une parfaite illustration.

Réagissant à cet assassinat, Serge Manassé Gotingar, le secrétaire général de l'Union des journalistes du Tchad (UJT) déclare au micro de Radio France Internationale :

Nous sommes confrontés à des situations de menaces et d’insécurité un peu partout dans nos déplacements. Nous avons toujours appelé les autorités à protéger les journalistes et a assuré leur sécurité à eux et leurs familles

Dans un article publié sur le site de Reporters sans frontières (RSF), Sadibou Marong, Directeur du bureau Afrique subsaharienne de RSF ajoute :

L’assassinat du journaliste Idriss Yaya et de sa famille rappelle cruellement les terribles dangers auxquels les professionnels des médias sont confrontés dans les régions du sud, mais aussi du centre du Tchad, où sévissent de fréquents conflits intercommunautaires. Les journalistes de ces régions sont régulièrement visés par des attaques physiques. Cette fois, le pire s’est produit.

Marong interpelle les autorités de la transition à prendre leur responsabilité:

Il est crucial que l'enquête aboutisse rapidement à l'identification des responsabilités et au jugement de tous les responsables de ce crime odieux. Nous appelons également les autorités à prendre des mesures fortes pour protéger les journalistes exerçant dans ces zones difficiles.

Lire : Au Tchad, mort de Yaya Dillo Djérou, principal opposant au pouvoir militaire en place

En théorie, la constitution tchadienne consacre la liberté d'expression et de presse en son article 28 qui stipule que :

Les libertés d'opinion et d'expression, de communication,
de conscience, de religion, de presse, d'association, de réunion, de circulation, de manifestations sont garanties à tous.

Au niveau institutionnel, la Haute Autorité des Médias et de l’Audiovisuel (HAMA) est l'organe qui se charge de réguler le fonctionnement des médias et protéger le journalisme, mais la réalité est souvent tout autre.

En août 2023, le journal en ligne Alwihda Info est suspendu pour huit jours par la HAMA. Il lui est reproché des publications d'articles sur des personnalités publiques : un article sur la radiation d'un haut gradé, et un autre article sur le président de la transition. Des organisations de presse ont condamné cette suspension.

Pluralité des médias

Dans le pays, les médias d’État rassemblés au sein de l'Office national des médias audiovisuels (ONAMA) du Tchad n'ont pas le monopole de l'information. Outre ces médias nationaux, le paysage est composé de quatre télévisions privées et d'une soixantaine de radios privées à vocations diverses : des radios communautaires et associatives dont FM Liberté qui a pour pour ligne éditoriale la défense des droits humains ; des radios privées confessionnelles ( plus de 55% des Tchadiens sont musulmans, et plus de 40% sont chrétiens) ; et des radios commerciales. En ce qui concerne la presse écrite, vingt-quatre journaux francophones et dix arabophones contribuent à la diffusion des informations au sein de la population tchadienne.

Au niveau de la presse en ligne des médias comme Ialtchad, Lepaystchad, Alwihda info, Tchadinfos, Le N'djam Post, Toumai web médias, Tchad-culture, Bandeinfo, Ndjamenahebdo, couvrent l'actualité culturelle, sportive, politique et économique du pays.

Hors du pays, plusieurs médias internationaux couvrent l'actualité tchadienne à savoir : Jeune Afrique, Afriquexxi, ApaNews, Deutsche Welle, Radio France Internationale, Voice of America, France 24, BBC Afrique, The Conversation, Al Jazeera, Africanews. 

Sur la toile

Le rapport 2023 de Data Reportal indique que le taux de pénétration d'internet au Tchad s’élève à 17,9% au début de l'année 2023 alors que le taux de pénétration en Afrique centrale est de 27,9% ; le pays compte donc 3,2 millions d'internautes.

Sur la toile, Facebook est le média social le plus utilisé par les Tchadiens avec  461 800 utilisateurs. Facebook Messenger est utilisé par 154 900 de Tchadiens ; Instagram compte 61 400 utilisateurs ; LinkedIn  74 000 membres tandis que le réseau X (ex-Twitter) compte 28 300 utilisateurs.

Succès Masra, ex-opposant devenu premier ministre de transition mobilise plus de 100 000 abonnées sur son compte X, et 315 000 abonnés sur sa page Facebook. Ces comptes lui sont très utiles comme canaux de mobilisation pendant ses multiples manifestations contre le régime en place. Mahamat Idriss Déby cumule près de 100 000 abonnés avec lesquels il partage les actualités liées à sa gestion du pays.

Les activistes sont aussi présents:  Tahirou Hissein Dagga actif sur Facebook,  Abel Maina avec 25 000 followers, Makaila Nguebla, journaliste avec plus de 12 000 abonnés sur X et et 55000 sur Facebook.

La protection des journalistes dans l'exercice de leur métier demeure le grand défi du Tchad alors que le pays traverse une transition politique qui a justement besoin d'une presse indépendante et diversifiée pour une reconstruction démocratique.

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