(Billet d'origine publié le 7 juillet 2012)
Rising Voices est un programme de Global Voices qui a soutenu 37 projets pour aider des communautés du monde entier à accéder à Internet. Qu'ils soient confrontés à des pénuries d'électricité ou des problèmes de connexion, Rising Voices offre des bourses à ces groupes pour les aider à se connecter et à produire du contenu dans leurs langues.
Eddie Ávila, le modérateur du panel, nous parle de sa propre expérience en tant que lauréat d'une bourse Rising Voices dans le cadre de Voces Bolivianos en 2007 et présente les invités, Boukary Konaté (Mali) et Victoria Tinta (Bolivie).
Boukary évoque la manière dont il connecte les villages Maliens à Internet (cliquer ici pour en savoir plus). Boukary vient de Sanogola-Bamoussobougou, un petit village du Mali comptant six familles et 85 résidents, situé à 2 775 km de Bamako, la capitale du pays. Un jour, un sergent de l'armée malienne s'est arrêté dans le village de Boukary car sa moto était en panne. Le sergent a demandé si Boukary allait à l'école; ce dernier a répondu que non. Ce sergent a dû s'y reprendre à plusieurs fois avant de convaincre la famille de Boukary de l'envoyer à l'école. Confiant Boukary aux soins d'un de ses proches, le sergent l'a encouragé à bien travailler à l'école et à venir en aide à sa famille un jour.
Boukary nous dit que l'université était hors de portée de sa bourse et qu'il s'est donc rabattu sur un institut de formation d'enseignants En tant que professeur, il se rendait parfois au cybercafé pour consulter sa boîte mail mais il n'utilisait pas beaucoup Internet. Bien que passionnément curieux du monde, il pensait qu'il fallait aller à l'université pour acquérir ces connaissances. Un jour, Boukary fut pris d'un fort désir d'échange. Il a tapé l'expression Bambara signifiant “Je veux” sur Google et il est tombé sur le site de Global Voices. Claire Ulrich lui a appris à se servir de Facebook et de Twitter et à traduire sur Global Voices. Après avoir travaillé ensemble pendant cinq ans, ils se sont rencontrés pour la première fois la semaine dernière.
Boukary a aussi travaillé en collaboration avec ses collègues de l'équipe Global Voices en Français pour réunir des fonds et mettre au point une connexion Internet mobile pour son village et d'autres zones reculées du Mali. Grâce au soutien de Rising Voices, le village a pu installer un panneau solaire, des générateurs, des batteries et une connexion Internet.
Dans le sillage de ce projet couronné de succès, Boukary et ses collègues ont créé le projet Ségou Villages pour tisser des liens culturels entre les villages et les villes. D'école en école, ils ont appris à plus de 800 personnes à se servir d'Internet.
Boukary conclut en exprimant son espoir que les enfants auprès de qui il enseigne grandiront avec Internet et connecteront d'autres villages encore.
Ensuite, Eddie Ávila nous présente Victoria Tinta de la Bolivie, qui utilise Internet pour préserver la langue Aymara (voir le site Global Voices pour connaître le contexte) (Juliana Rincón Parra était l'interprète de Victoria).
Victoria est née dans la province de Los Andes à La Paz en Bolivie, dans la région montagneuse du pays Aymara. Avant 1994, les enfants boliviens n'avaient pas le droit d'étudier dans leur langue. L'enseignement se faisait uniquement en espagnol, en anglais et en français. Quand, en 1994, les réformes du système éducatif bolivien ont autorisé les gens à étudier dans leurs langues maternelles, les parents ne voulaient pas que leurs enfants suivent les cours en Aymara. Ils se souvenaient que leurs grand-parents, au moment de la colonisation, avaient subi la discrimination et ils ne voulaient pas que leur enfants vivent la même chose.
Les parents de Victoria étaient fiers qu'elle ait la possibilité de suivre les cours en Aymara. Ils lui avaient toujours dit que parler sa langue maternelle n'était pas un crime. Comme beaucoup d'autres, elle savait parler Aymara mais pas l'écrire. En Bolivie, il y a 37 langues officielles. L'Aymara compte deux millions de locuteurs. Après le lycée, Victoria a étudié la linguistique et les langues à l'université. C'est là qu'elle a rencontré d'autres jeunes gens qui savaient parler mais non écrire l'Aymara. Pendant leurs études, ils ont appris à écrire l'Aymara et à se servir d'Internet pour leurs recherches.
Victoria et ses amis ne trouvaient aucune information en Aymara sur Internet. Pour pallier à ce manque, ils ont créé @jaqiaru, un site Internet en Aymara. Le groupe Jaqi aru publie des articles sur Global Voices Aymara, Wikipédia, et des sites d'actualités en Aymara. Sur la version Aymara de Wikipédia, ils travaillent entre autres sur les pages relatives à l'Histoire et les informations à destination des communautés Aymara. L'an dernier, ils ont participé à la conférence Wikimana en Israël, où ils ont rencontré le fondateur de Wikipedia, Jimmy Wales.De ce fait, beaucoup d'Aymara sont motivés pour participer à la rédaction de Wikipedia.
Il y a deux semaines, Victoria et ses collègues ont animé des ateliers pour apprendre à des professeurs à se servir de Facebook. @jaqiaru propage aussi l'Internet en Aymara sur Flickr, YouTube et Twitter. Sur Facebook, ils ont pu établir des liens avec des communautés Aymaraphones en Argentine, en Espagne et en Equateur. Victoria est à présent rédactrice en chef de Global Voices Aymara et a fait éclore chez les jeunes de sa région un intérêt pour la traduction des billets en langue Aymara.
Continuer à produire du contenu en Aymara sur Internet pose des difficultés: la plupart des gens traduisent et relisent les articles depuis un cybercafé, ce qui est onéreux. Malgré tout, les Aymaras sont enthousiastes et espèrent que leur travail quotidien sera une source d'inspiration pour d'autres locuteurs de langues indigènes.
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