Saúl López, ou Kuyujani (son nom autochtone), est un jeune homme Yekuana qui a consacré l'essentiel de sa vie à étudier les réalités de son groupe ethnique. En discutant avec les aînés et les chefs de la communauté, il prit conscience de l'importance du problème majeur du groupe qui est la mise en danger de la langue Yekuana. Face à cette réalité, il décida de porter un intérêt particulier aux médias et à la technologie dans un projet de thèse sur la langue Yekuana.
Les Yekuanas sont un peuple autochtone de la famille des Caribéens, aussi connus comme Maquiritari ou Makiritaris, qui résident pour la plupart en amont des rivières Caura, Erebato, et Nichare, et des rivières Ventuari, Parú et Cuminá au Venezuela. Leur population actuelle est estimée entre 5 000 et 10 000 personnes.
Au cours des cinq dernières années, Saúl a étudié à l'Université Autochtone Expérimentale Nationale de Tauca (UNEIT) au Venezuela, fondée par une organisation des droits des autochtones en coopération avec des prêtres jésuites. Depuis qu'il est entré dans cette institution, il a eu un intérêt particulier pour les réseaux sociaux et les technologies de l'information et de la communication. On le voit souvent sur le campus de l'université, caméra à la main, documenter les conférences, les réunions des étudiants, et les événements culturels, faisant des interviews, et même menant à bien des émissions sur les match de football du dimanche des étudiants autochtones.
Ce faisant, il a accumulé une vaste iconographie (et produit de brefs documentaires, des courts métrages, des activités communautaires, des bulletins d'informations de l'UNEIT, et des séquences vidéos) qu'il a utilisée dans le cadre de son diplôme en enseignement bilingue, avec spécialisation en communication autochtone.
Sa thèse, intitulée “Influence des Technologies de l'Information et de la Communication (ICT) sur l'oralité Ye´kwana. Cas de la communauté Jüwütünña du Alto Erebato— Etat de Bolivar” étudie la relation entre les nouvelles technologies et le phénomène de la communication dans la culture Yekuana (surtout du point de vue des jeunes). La thèse est maintenant à un stade avancé de révisions finales, sans être encore publiée.
La recherche contribue de manière importante à la revitalisation de l'oralité Yekuana , car elle rassemble beaucoup de réflexions et d'avis sur la valeur de la langue pour la communauté autochtone, qui s'étend le long de la rivière Caura vers le bassin de la rivière Ventuari. Le travail contient des conversations et des interviews avec les aînés et les adultes représentatifs de l'univers Yekuana, de même que des dialogues avec des spécialistes en communication, éducation, et technologies, apportant à la recherche une grande perspective multidisciplinaire et interculturelle.
Saúl a partagé avec Global Voices le sens de sa recherche pour lui :
Ha sido un trabajo particularmente interesante. He podido sentarme a conversar por largas horas con los ancianos de mi comunidad y conocer parte de la historia de mi pueblo, cosas que no sabía y que ahora quedan registradas en mi tesis.
Cela a été un travail particulièrement intéressant. J'ai pu m'entretenir durant de longues heures avec les anciens de ma communauté et connaître une partie de l'histoire de mon peuple, des choses que j'ignorais et qui sont maintenant inscrites dans ma thèse.
Il dit à propos de l'importance de la langue Yekuana:
Nuestra cultura es principalmente oral, todo lo que somos es gracias a nuestra lengua, es en esencia nuestra cultura. Es importante entender que las tecnologías y los medios de comunicación social pueden estar al servicio de nuestros pueblos y cosmovisiones, revitalizando y resguardando nuestra oralidad mediante el registro y documentación de nuestras historias, mitos, tradiciones etc. y claro, desde la educación a los más jóvenes.
Notre culture est principalement orale, toute notre identité est redevable de notre langue, qui est par essence notre culture. Il est important de comprendre que les technologies et les réseaux sociaux de communication peuvent être au service de nos peuples et de nos visions du monde, en revitalisant et en protégeant notre oralité à travers le registre et la documentation de nos histoires, mythes, traditions etc. et bien sûr, à partir de l'éducation des enfants.
Le 13 octobre, Saúl a présenté sa recherche aux aînés et sages des différents groupes ethniques, dans le cadre des célébrations de la Semaine de la Résistance Autochtone de 2015, qui se tient chaque année sur le campus de l'Université Autochtone Expérimentale Nationale de Tauca. Sa thèse a été approuvée à l'unanimité.
Saúl va maintenant devenir membre de la faculté à l'UNEIT et il organise déjà des ateliers de formation dans quelques communautés autochtones au Sud du Venezuela. Il dit:
La idea es multiplicar e informar entre las demás etnias, la importancia de nuestras lenguas aborígenes y buscar los mecanismos que nos permitan defenderlas y mantenerlas vivas.
le but est de vulgariser cette étude auprès des autres ethnies, de les informer sur l'importance de nos langues aborigènes, et de rechercher des mécanismes nous permettant de les défendre et de les garder vivantes.