La Gambie est en ébullition, et vous n'en savez rien

People waving in a protest against president Yahya Jammeh in the Gambia.

Des participants agitent la main dans une manifestation contre le président Yahyah Jammeh en Gambie. Photo : Youtube

La Gambie, minuscule pays d'Afrique de l'Ouest, a connu le mois dernier une agitation sans précédent. Les manifestations sont passées quasi inaperçues dans les médias internationaux, en partie du fait de la répression exercée par l'imprévisible chef de l'Etat Yahya Jammeh.

En avril 2016, le mouvement a commencé par une manifestation pacifique pour réclamer des réformes électorales, dirigée par Ebrima Solo Sandeng, le chef des jeunes du parti principal d’opposition, United Democratic Party (UDP). A la fin, la manifestation fut encerclée par les forces de l'ordre qui mirent en garde à vue Sandeng et plus d’une douzaine d’autres sympathisants de l’UDP qui avaient rejoint le rassemblement.

48 heures après ces arrestations, on a appris que Sandeng et deux autres membres de l’UDP étaient morts en garde à vue. Ce qui a provoqué des nouvelles manifestations, désormais menées par le chef de l‘UDP Ousainou Darboe, qui a demandé la libération des manifestants restants, vivants ou morts.

Après une marche d’à peine 300 mètres, Darboe et au moins deux douzaines de sympathisants ont été arrêtés par la police. Certains ont été libérés, mais Ousainou Darboe et 19 autres restent en garde à vue, mis en accusation mais en attente d’une audience. Ils sont depuis apparus plusieurs fois devant un tribunal sous haute surveillance, tandis que leurs familles, leurs camarades du parti, et les sympathisants viennent en grand nombre devant le tribunal scander des messages de solidarité et demander leur libération.

Plusieurs vidéos et images sont apparues sur les réseaux sociaux gambiens montrant des centaines de gens qui protestent contre ce qu’ils ont appelé le « régime meurtrier » du pays.

Solidarité avec les détenus

Une grande foule a été vue en train de se diriger vers la maison d’Ousainou Darboe, en scandant « nous demandons à voir Solo Sandeng vivant ou mort ».

Manifestants en #Gambie qui exigent que le pouvoir présente Sandeng « vivant ou mort » après qu’il a été porté disparu suite à son arrestation

Protestors in Banjul in the Gambia. Photo taken from the main opposition party (UDP) Facebook page.

Des manifestants dans la capitale gambienne Banjul. Photo : page Facebook du parti UDP.

Les utilisateurs des réseaux sociaux décrivent les manifestations comme un grand acte de défi à l’encontre du président Yahyeh Jammeh.

The PIU [Police Intervention Unit] and police being address about why change must happen. Bravo youths.#Banjul high Court. The ground for defiance

La PIU [l’Unité d’Intervention de la Police] et la police sont affrontées au sujet des changements nécessaires. Bravo les jeunes. Cour Suprême de #Banjul. Le terrain du défi.

Le rôle de la religion

Plus que 90 % de la population gambienne est musulmane. En décembre 2015, Jammeh, un musulman et guérisseur religieux autoproclamé, a déclaré que le pays est une république islamique, mais beaucoup ont contesté cette affirmation.

En Gambie, les figures politiques utilisent souvent les cultes religieux pour gagner en popularité, tandis que les chefs religieux monnaient des faveurs avec ceux qui fréquentent les allées du pouvoir. Dans un pays majoritairement musulman, il n'est pas étonnant que les manifestants aient évoqué des sentiments religieux dans leurs actions revendicatives.

Un groupe de femmes est venu au tribunal, brandissant des calebasses et scandant des slogans de liberté pris de l’hymne national. (Brandir des calebasses est considéré comme une sorte de malédiction dans la culture africaine et une démonstration de détermination pendant les temps difficiles).

De façon similaire, un autre groupe de manifestants, dirigé par plusieurs imams locaux, est venu à la Cour Suprême en scandant des louanges envers Dieu.

Entre-temps, les tribunaux ont à plusieurs reprises invoqué des détails techniques pour refuser aux manifestants détenus la liberté provisoire. Le procès se poursuivait jeudi 5 mai 2016 avec une audience sur la liberté provisoire. De nombreux partisans de l’UDP et sympathisants sont attendus. Mais des analystes disent que les actions pour faire traîner le procès visent à décourager les manifestants et tuer lentement l’enthousiasme pour le changement généré par l’opposition.

Absent de l'audience

Beaucoup s’inquiètent de la sécurité des huit activistes arrêtés durant les manifestations, qui ne sont apparus devant aucun tribunal. Solo Sandeng et deux autres qui seraient morts en détention sont parmi les huit. La disparition sans traces est une occurrence fréquente en Gambie.

Amnesty International et beaucoup d’autres organisations de défense des droits humains ont exigé la libération de tous les détenus.

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