Cet article est une collection de textes parus à l'origine sur Facebook et publiés par Video Volunteers, une organisation internationale primée, centrée sur les médias communautaires et basée en Inde. Une version éditée est publiée ci-dessous dans le cadre d'un accord de partage de contenu.
Le 11 octobre fut la Journée Internationale de la Fille, dont le but est de mettre l'accent sur les difficultés rencontrées par les jeunes filles dans le monde. Les récits ci-dessous (extraits de reportages de journalistes-citoyens affiliés à la communauté Video Volunteers) illustrent les enjeux rencontrés par les filles en Inde.
Victime d'un tir policier au Cachemire alors qu'elle “regardait par la fenêtre de la cuisine”
Des douzaines de personnes ont été tuées par les forces militaires indiennes et des milliers d'autres ont été blessées lors de la montée des conflits dans la province administrative indienne du Cachemire en juillet dernier. Les forces armées indiennes sont accusées d'avoir utilisé des fusils à plomb sur des manifestants et même sur des spectateurs, causant des blessures graves.
Sania Tamanna, une fillette de 11 ans, a été touchée alors qu'elle se tenait près de la fenêtre, dans sa cuisine. Les plombs lui ont percé l'œil gauche, la laissant partiellement aveugle. Après trois opérations, les docteurs ne sont pas certains qu'elle retrouvera un jour la vue.
Est-ce le monde que nous imaginons pour nos enfants, un monde où ils ne sont même pas à l'abri dans leur propre foyer?
Afroza Mahed a rencontré Sania chez elle, à Ganderbal :
Au pays des épouses-enfants
L'Inde détient le record du nombre d'épouses-enfants : 240 millions, soit un tiers des épouses-enfants recensées dans le monde, selon une étude de 2014.
En 2013, le Ministère pour le Développement des femmes et des enfants a rédigé un plan d'action national pour lutter contre le mariage des enfants. Trois plus tard, le plan attend toujours d'être mis en œuvre.
Selon l'Unicef, quarante sept pour cent des filles en Inde sont mariées avant leur dix-huitième anniversaire.
Mariée à l'âge de douze ans, Mexiri (qui vient de l'Odisha) a subi la tyrannie de son mari et sa belle-famille. À quatorze ans, elle donne naissance à son fils et devient gravement anémique. L'enfant décède un an plus tard et malgré tout Mexiri est forcée à avoir un autre enfant dans l'année qui suit. À seize ans, elle donne naissance à un fils handicapé et est accusée de sorcellerie. À dix-neuf ans, elle vit aujourd'hui avec ses parents, sans aucun soutien financier de son époux ou de sa belle-famille. Son fils souffre de malnutrition et elle ne reçoit aucune aide publique.
Le mariage des enfants, la violence conjugale, les abus sexuels, des services médicaux insuffisants et le manque de soutien et d'accès aux aides financières publiquees sont des problèmes fondamentaux qui impactent des millions de jeunes filles et de femmes en Inde. La plupart sont touchées par plusieurs d'entre eux à la fois, et leur vie et celle de leurs enfants sont extrêmement difficiles.
Mais même dans ces circonstances, on trouve des démonstrations d'héroïsme (et des héroïnes) extraordinaires.
“Je suis une fille, et alors?” Tajamul, championne de kickboxing (huit ans).
Quand Tajamul a décidé de faire du kickboxing, sont père a d'abord essayé de l'en dissuader en lui expliquant qu'il s'agissait d'un sport de combat dur et qu'elle risquait de se faire mal. La fillette a insisté, lui promettant de battre tous les garçons.
À sept ans, Tajamul a tenu sa promesse en remportant le titre du plus jeune champion national indien dans la catégorie des sous-juniors. En battant son adversaire de treize ans lors de la finale du Championnat national de 2015, elle a gagné le droit de représenter l'Inde lors du Championnat mondial de kickboxing, qui s'est déroulé en Italie en novembre.
Aujourd'hui, le père de Tajamul n'est pas seulement fier de sa fille : il espère que son exemple va changer la façon dont les sportives sont perçues au Cachemire, sa région natale. La jeune pionnière vient en effet de Bandipora, une ville reculée où les possibilités sont très limitées pour les filles.
En maîtrisant un sport de contact exigeant compétence, discipline, et beaucoup de force physique, Tajamul a brisé tous les stéréotypes du monde sportif sur les filles. Elle s'entraîne cinq heures par jour, tout en poursuivant ses études et la pratique de son autre passion : la danse.