
Le centre de détention de demandeurs d'asile de l'île de Manus. Photo reproduite avec l'aimable autorisation de Behrouz Boochani.
Une transaction en marge d'une action judiciaire éclaire le traitement appliqué par l'Australie aux réfugiés détenus depuis 2012 dans le centre de rétention insulaire de Manus en Papouasie-Nouvellle Guinée.
1.905 individus vont se partager 70 millions de dollars australiens (environ 52 millions de dollars américains) de dédommagements versés par le gouvernement fédéral et les entreprises privées de sécurité Transfield et G4S. Le recours collectif arguait qu'ils ont subi “des préjudices physiques et psychologiques” dans les centres de détention.
Leur cabinet d'avocats, Slater and Gordon, l'énonce haut et fort :
Lead plaintiff Majid Kamasaee in a statement said, “I came to Australia seeking peace, but I was sent to Manus, which was hell.”
— Slater and Gordon (@SlaterGordon) June 14, 2017
Le plaignant principal Majid Kamasaee a dit dans une déclaration : “Je suis venu en Australie chercher la paix, mais j'ai été été envoyé à Manus, et c'était l'enfer”.
“Most were fleeing religious persecution and violence and came to Australia seeking protection, only to be denied their basic human rights.” pic.twitter.com/4ervDxDxsk
— Slater and Gordon (@SlaterGordon) June 14, 2017
“La plupart fuyaient la persécution religieuse et la violence et sont venus en Australie en quête de protection, et ils s'y sont seulement vu refuser leurs droits humains fondamentaux”.
Les défendeurs vont également débourser 20 millions (environ 15 millions de dollars US) de frais de justice. Après l'annonce de la décision, le ministre de l'Immigration Peter Dutton a démenti toute reconnaissance de responsabilité du gouvernement.
John Lord et Martin Appleby, écrivant sur le blog du Réseau des médias australiens indépendants, ont interpellé le ministre :
Honte, mon pays, honte sur toi de permettre une telle méchanceté.
[…] Plutôt que de défendre leurs actes, ce qui pendant la durée de la procédure judiciaire aurait causé un embarras considérable pour le gouvernement, ils ont choisi, au prix de 100 millions de dollars, de dissimuler leurs atrocités à la vue du public.
Professeur en droit des réfugiés, Jane McAdam a également interrogé les motivations du ministre :
Avoiding #refugee litigation lets govt prevent evidence by over 70 witnesses & 200,000 documents being made public https://t.co/wdRxbyc3OO
— Jane McAdam (@profjmcadam) June 14, 2017
Esquiver le contentieux avec les réfugiés évite au gouvernement que soient rendues publiques les preuves par plus de 70 témoignages et 200.000 documents
Le journaliste et détenu iranien Behrouz Boochani a documenté la vie sur Manus en enregistrant des vidéos avec un téléphone mobile. Résultat, “Chauka Please Tell Us The Time” (“Chauka dites-nous l'heure qu'il est s'il vous plaît”), une collaboration avec le cinéaste néerlandais d'origine iranienne Arash Kamali Sarvestani.
Le documentaire, sorti au Festival du film de Sydney le 11 juin, a reçu un accueil enthousiaste :
A sea of fists in the air for filmmaker @BehrouzBoochani – locked on #manusIs#CloseTheCamps#auspol#Chauka#SydFilmFestpic.twitter.com/RlfkF0qj4Y
— DosvidanyaTrump (@MiraWroblewski) June 11, 2017
Une mer de poings levés pour le cinéaste Behrouz Boocjani, enfermé sur l'île de Manus #Fermer le camp #Politique australienne
Behrouz a publié ses réflexions sur l'accord d'indemnisation sur sa page Facebook :
L'indemnisation que l'Australie veut payer aux réfugiés à Manus est insuffisante. Ils veulent payer 35.000 dollars en moyenne à chaque personne, une somme qui ne pourra jamais couvrir les quatre années de souffrances que nous avons connues. La majorité des réfugiés ont été gravement abîmés physiquement et mentalement, et cet argent ne suffit même pas à courir les frais médicaux qu'ils devront payer de ce fait.
La plupart des commentaires sous son texte étaient positifs, mais il y en aussi eu de contraires. Helen Yammine a riposté : “Pourquoi se sont-ils faufilés en Australie, ils ne devraient avoir aucun droit à indemnisation”.
Wendy Williams, journaliste pour l'association Pro Bono Australia, espère une modification de la politique actuelle à l'égard des demandeurs d'asile arrivant par bateau :
L'annonce devrait être le “dernier clou dans le cercueil” de la détention offshore, d'après les dirigeants du secteur social.
Sur Twitter, le déboursement n'a pas été du goût de tout le monde :
The law is a shame.. Australian mugs are handing over $70M in compensation to 1900 illegal immigrants on Manus Island.
WHY?#auspol#Rudd— Tibster AU (@TibsterAU) June 15, 2017
La loi est honteuse… Les imbéciles d'Australiens donnent 70 millions de dollars à 1900 immigrants illégaux sur l'île de Manus.
De nombreux commentaires similaires ont salué (avec quelques voix discordantes) le billet de blog du journaliste conservateur Andrew Bolt “NOUS PAYONS UNE FORTUNE A DES IMMIGRANTS ILLEGAUX QUI REFUSENT DE RENTRER CHEZ EUX“.
A l'opposé, certains sur Twitter ont attiré l'attention sur les grosses quantités d'argent dépensé dans le programme offshore. Elles se chiffreraient en dizaines de milliards :
$35,000 each in compensation when each Manus prisoner cost $500,000 pa to keep in unlawful custody . The immoralists got off cheap.
— Dally Messenger III (@dallymessenger) June 14, 2017
35.000 dollars par tête quand chaque prisonnier à Manus a coûté 500.000 dollars par an pour être maintenu en détention illégale. Les immoraux s'en tirent à bon compte.
D'autres ont rapproché l'indemnisation du programme “raté” de relocalisation des détenus au Cambodge :
Curious the $70m compensation paid to #Manus victims has produced louder howls than the $50m it cost to send 3 ppl to Cambodia #auspol
— Reclaim Humanity (@anusha_srini) June 14, 2017
Etonnant que les 70 millions de dédommagement payés aux victimes de Manus aient produit des hurlements plus forts que les 50 millions qu'a coûtés le renvoi de 3 personnes au Cambodge
Tim Byrnes exprime les sentiments de nombreux internautes qui compatissent aux souffrances des détenus :
I get the feeling #ManusIsland asylum seekers would rather live in Aus than the payout #auspol#Bringthemhere
— Tim Byrnes (@timbyrnes89) June 14, 2017
Il me semble que les demandeurs d'asile de Manus préféreraient vivre en Australie au dédommagement
Précédents articles de Global Voices sur l'île de Manus :
- Le gouvernement australien projette une exclusion de visa à vie pour les demandeurs d'asile arrivés par mer
- Death, Beatings Highlight the Horrors of Australia's Manus Island Refugee Detention Centre (non traduit ; Mort, tabassages : les horreurs du centre australien de détention de réfugiés de l'île Manus)
- Vigils in Australia for an Iranian Asylum Seeker Who Died After Getting Sick in a Detention Centre (non traduit : Veillées en Australie pour un demandeur d'asile iranien mort tombé malade dans un centre de détention)