
Femmes lors d'une manifestation contre le port du voile le lundi 29 janvier 2018. Assemblage de #دختران_خیابان_انقلاب images sur le post.Twitter de Omid Memarian
Billet d'origine publié le 30 janvier. Sauf mention contraire, tous les liens de ce billet renvoient vers des pages web en anglais.
Une marée humaine, féminine, iranienne et contestataire est descendue dans les rues de Téhéran pour protester contre les lois imposant le port du voile.
Les photos de leurs manifestations ont largement circulé sur le net sous le hashtag #دختران_خیابان_انقلاب (traduit en anglais par #Girls_of_Enghelab_Street [“Les filles de la rue Enghelab” en français]). À la date du 29 janvier après-midi, au moins deux des six femmes apparaissant sur les photos ont été arrêtées.
Les manifestantes s'inscrivent dans les pas d'une Iranienne nommée Vida Movahed, arrêtée le 27 décembre 2017, après qu'une photo d'elle agitant silencieusement son voile au-dessus de sa tête nue dans la rue Enghelab de Téhéran (« enghelab” en persan signifie “révolution”) s'est propagée rapidement sur Internet. Mohaved a été relâchée le 27 janvier 2018.
À la suite de la révolution islamique de 1979 [fr], le voile (hijab) est devenu obligatoire en plusieurs étapes. La loi a d'abord été introduite en mars 1979 ; les Iraniennes, qui soutenaient à l'origine la révolution contre la monarchie, sont sorties dans la rue par centaines de milliers pour manifester contre ladite loi. L'année suivante, le voile est devenu obligatoire dans l'administration et la fonction publique jusqu'en 1983, date à laquelle il est devenu obligatoire pour toutes les femmes.
Flashback: 1979 anti-hijab rally in Tehran, Iran, a day before theocratic regime forcibly and violently began imposing veil on women pic.twitter.com/IzSPSVjIqA
— Borzou Daragahi ?? (@borzou) March 19, 2017
Flashback: manifestation anti-voile à Téhéran (Iran) en 1979, un jour avant que le régime théocratique commence à imposer par la force et la violence le port du voile aux femmes
La photo de la protestation de Movahed, se tenant sur un boitier électrique dans la rue Enghelab, est devenue virale dans le contexte d’une vague de manifestations antigouvernementales [fr] qui traverse le pays depuis le 28 décembre 2017.
An unveiled woman in Iran stands defiantly at anti-government rally. We must keep the international eyes focused. There have been brutal crackdowns in recent past by state. We cannot let that happen again. RT using #Iranprotestspic.twitter.com/RVfFpbczm0
— Andy C. Ngo (@MrAndyNgo) December 29, 2017
Une femme dévoilée en Iran se dresse par défi lors d'un rassemblement anti-gouvernement. Nous devons maintenir l'attention de la communauté internationale. Il y a eu dans l'histoire récente des mesures répressives brutales par l’État. Nous ne pouvons laisser cela se reproduire. RT en utilisant #Iranprotests
Mais l'acte de défi de Movahed fut pris par erreur comme l'emblème des protestations dans tout le pays. En réalité, il s'agissait le 27 décembre 2017 de son acte de protestation, individuel et singulier, dans le cadre de la compagne White Wednesday [“Mercredi Blanc” en français], dans laquelle des Iraniennes publient en ligne des photos d'elles-mêmes portant du blanc et se débarrassant de leur foulard avec le hashtag #whitewednesday. Cela faisait partie du mouvement My Stealthy Freedom [“Ma liberté furtive”] fondé par la journaliste en exil Masih Alinejad contre le port obligatoire du voile par les femmes.
Les organisations de défense des Droits de l'Homme comme Amnesty International ont commencé à défendre la libération de Movahed dès qu'il a été connu qu'elle avait été arrêtée peu de temps après sa pose sur le poste électrique de la rue Enghelab. Le 28 janvier, Nasrin Sotoudeh, une avocate spécialisée dans les droits de la personne, connue (et souvent persécutée) pour défendre les activistes et les membres de l'opposition, a annoncé sur sa page Facebook [per] que Movahed avait été relâchée le jour précédent :
دختر خیابان انقلاب آزاد شد.
در مراجعهای که برای پیگیری پروندهی دختر خیابان انقلاب به دادسرا داشتم، مدیر دفتر گفت که وی آزاد شده است. خوشحالم که او دیروز به خانه برگشته است. امیدوارم با پروندهسازی قضایی، وی را که از حقی ساده و یقینی استفاده کرده است، مورد اذیت و آزار قرار ندهند. او هیچ کاری نکرده است تا مستحق تعقیب قضایی باشد. دستتان را از سر او کوتاه کنید.
La fille de la rue de la Révolution a été libérée.
Lorsque je suis retournée au bureau du procureur pour donner suite au dossier de la fille de la rue Enghelab, le procureur en chef m'a informé qu'elle avait été relâchée. Je suis heureuse d'entendre qu'elle est rentrée chez elle hier. J'espère que cette affaire judiciaire ne sera pas utilisée pour la harceler parce qu'elle a fait valoir ses droits. Elle n'a rien fait justifiant de poursuites judiciaires. Merci de ne pas poser vos mains sur elle [à destination des autorités].
Le jour après l'annonce de la libération de Movahed, plusieurs femmes l'ont imitée et sont venues se tenir debout sur le poste électrique de la rue Engheblab :
یک منبع آگاه به کمپین حقوق بشر در ایران گفت #نرگس_حسینی یکی از زنان معترض، امروز دوشنبه نهم بهمن در خیابان انقلاب بازداشت شده است.#دختران_انقلاب pic.twitter.com/mS8A6o1Lz2
— کمپین حقوق بشر در ایران (@ICHRI_Fa) January 29, 2018
Une source bien informée a raconté à Campaign for Human Rights en Iran que Narges Hosseini, l'une des manifestantes de la rue Enghelab, a été arrêtée le 29 janvier. #Girls_of_Revolution
D'autres femmes ont pris des poses similaires, retirant leur voile dans différentes rues de Téhéran, et dans un cas à Ispahan, une ville du centre de l'Iran, selon une source collaborative reportée sur le site www.enghelabgirls.com [per] de Nariman Gharib. Cependant, le symbolisme du premier acte qui se déroulait dans la rue Enghelab, la “la rue de la Révolution”, n'a pas été perdu dans les événements suivants.
Interesting fact: The first woman protesting, -then anonymous- did it on “revolution” street. And she quickly got the title of “girl of the revolution street” this soon turned into the hashtag #دختران_انقلاب “girls of revolution” after others joined her.#دختران_خیابان_انقلاب
— Nima Fatemi (@mrphs) January 29, 2018
Fait intéressant : la première manifestante, – alors anonyme -, le fit dans la rue de la “Révolution”. Et, elle obtient rapidement le titre de “fille de la rue de la Révolution”, ce qui se transforma rapidement en #دختران_انقلاب “filles de la Révolution” lorsque d'autres la rejoignirent.
L'après-midi du 30 janvier, plusieurs autres femmes avaient été aperçues dans Téhéran retirant leur voile, ainsi qu'un homme.
Powerful: an Iranian man protests against the compulsory hijab mimicking act of defiance by women via @valaamagham#دختران خیابان انقلاب #پسران_خیابان_انقلابpic.twitter.com/Pzm28PauHZ
— Golnaz Esfandiari (@GEsfandiari) January 30, 2018
Puissant : un Iranien proteste contre l'obligation de porter le voile en imitant l'acte de défi des femmes.
عکس دریافتی: تقاطع خیابان ولیعصر و خیابان رشت #تهران#نه_به_حجاب_اجباری pic.twitter.com/5oiW8xxepY
— Vahid Online (@Vahid) January 30, 2018
Nouvelle photo à l'intersection des rues Vali Asr et Rasht [à Téhéran]
My Stealthy Freedom, qui organise les Mercredis blancs, la campagne à laquelle Movahed participait lors de son acte de défi, a été fondé par Masih Alinejad. Alinejad et son mouvement sont controversés en Iran et parfois sujets à des campagnes de diffamation par les médias iraniens, et associés avec l'opposition active au sein du pays. Sur la page Facebook de “My Stealthy Freedom“, Alinejad accueille ceux qui attaquaient précédemment sa campagne mais qui désormais s'engagent dans la discussion et l'opposition au port obligatoire du voile à la lumière de the #Girls_of_Enghelab_street :
Our #WhiteWednesdays campaign has been making an unstoppable impact and we are more than overjoyed. We are gratified to realize that the compulsory veil is no longer something than can be easily dismissed. It has always been an important issue as it relates to women's freedom of choice. It is our most basic right. Our campaign has come a long way. We have also realized that people who attacked us yesterday are now onboard supporting our struggle. We warmly welcome them. We at my #StealthyFreedom do not judge people; our campaign is based on mutual respect.
Notre campagne #WhiteWednesdays a eu un impact que l'on ne peut arrêter et nous sommes plus qu'enchantées. Nous réalisons avec satisfaction que la question du voile obligatoire n'est plus quelque chose que l'on peut aisément refuser de considérer. Cela a toujours été un sujet important en raison de ses liens avec la liberté de choix des femmes. C'est notre droit le plus fondamental. Notre campagne a fait beaucoup de chemin. Nous avons également réalisé que des personnes qui nous attaquaient hier sont désormais à nos côtés soutenant notre combat. Nous les accueillons chaleureusement. Nous, à #StealthyFreedom, ne jugeons personne ; notre campagne est basée sur le respect mutuel.
Une voix féminine notable, Zahra Safyari, s'exprime sur les réseaux sociaux iraniens en déclarant son soutien pour les #Girls_of_Enghelab_Street et le droit pour les Iraniennes de choisir de porter ou non le voile :
من چادری ام.خودم انتخاب کردم که محجبه باشم،نه اجبار خانواده بود و نه جبر محیط یا شرایط کار.از انتخابم خیلی خوشحالم ولی با حجاب اجباری مخالفم و #دختران_خیابان_انقلاب رو تحسین میکنم.در دین و حجاب هیچ اجباری نباید باشد
— زهرا صفياري (@zahrasafyari) January 29, 2018
Je porte le tchador [fr] . J'ai décidé par moi-même de le porter, et non par la contrainte de ma famille, ni en raison de mon entourage ou de mes conditions de travail. Je suis très heureuse de mon choix mais je suis contre le port obligatoire du voile et je soutiens les #Girls_of_Enghelab_Street. En matière de religion et de voile, il ne devrait pas y avoir de contraintes.
Safyari tient à prendre ses distances avec les protestations de la part de Masih Alinejad ou avec n'importe quel mouvement visant à renverser l'ordre iranien :
#دختران_خیابان_انقلاب نه برانداز هستند و نه از مسیح علی نژاد پیروی می کنند و نه از جایی پول می گیرند.دختران ایران زمین هستند که در پی حقوق اولیه خود هستند.
— زهرا صفياري (@zahrasafyari) January 29, 2018
#Girls_of_Enghelab_Street ne sont ni des révolutionnaires, ni des soutiens de Masih Alinejad, ni les bénéficiaires de sommes d'argent. Elles sont les filles de cette terre iranienne qui suivent leurs droits fondamentaux.