Face à l’épidémie de morts violentes touchant tout le pays, les Nigérians réclament des actions concrètes des gouvernants

Une bannière appelant à une marche vers Aso Villa, le lieu de travail et résidence officielle du président nigérian, situé dans la capitale Abuja, pour protester contre les incessants massacres au Nigeria, juin 2018.

Le 23 juin 2018, des hommes armés ont attaqué 11 villages et tué plus de 200 personnes près de Jos, la capitale de l’État du Plateau au Nigeria central, sans la moindre intervention des forces de sécurité nationale, dans l'un des conflits pastoraux les plus sanglants du pays.

Après les attaques du 23 juin, les Nigérians disent que cela suffit, et se sont tournés vers les réseaux sociaux afin de protester contre la recrudescence de meurtres brutaux à l'échelle nationale, en utilisant des hashtags tels que #MakeNigeriaSafeAgain (Rendre la sécurité au Nigeria) et #StoptheKillings (arrêter les tueries). D'autres sont descendus dans les rues manifester.

Dans cette nation la plus peuplée d'Afrique, avec 87 millions d'habitants vivant dans la pauvreté, l'insurrection de Boko Haram, les affrontements communautaires, le banditisme et d'autres formes de conflits sont également responsables du nombre croissant de morts violentes dans le pays. Depuis janvier 2018, au moins 1.813 personnes ont été assassinées dans 17 États – soit le double des 894 personnes tuées en 2017 au Nigeria.

Gimba Kakanda, un écrivain et influenceur des médias, est descendu dans la rue avec ses compatriotes nigérians pour exprimer son mécontentement et a déclaré ceci :

Nous sommes ici pour demander à nos politiciens de trouver des solutions !

Oby Ezekwesili, ancien ministre de l'éducation et vice-président de la Banque mondiale a également rejoint les manifestations :

J’ai marché aussi loin que je le pouvais afin de rallier Villa pour protester contre l'incapacité du Président M. Buhari à lutter contre les tueries terroristes.
La police, les militaires et les forces de sécurité ont piétiné mes droits, j'ai saisi ma bannière.

A travers son compte Twitter Africa Fact Zone, la publiciste primée et influente Isima Odeh a déclaré dans un tweet :

Priez pour le Nigeria
3 morts dans l'accident de camion à Ojuelegba la semaine dernière
Plus de 130 morts dans la crise du Plateau
4 morts à Igbeagu, Ebonyi & Ukelle, affrontements à Cross River
Aujourd'hui, plus de 30 véhicules avec leurs passagers ont brûlé, quand un camion-citerne a pris feu sur le pont d'Otedola
Les bouchers et les flics s'affrontent à Bodija, Oyo.

Des groupes de la société civile se sont également exprimés :

Nous sommes attristés par les événements dans l'État du Plateau qui ont fait des centaines de morts, orphelins et veufs et veuves.
En ces temps difficiles, nous devrions nous unir en tant que peuple au lieu de nous affronter les uns les autres. Nos pensées vont à toutes les victimes de ces attaques.
Nous sommes avec vous, nous pensons à vous # PrayForPlateau .

Même l'ancien vice-président, Atiku Abubakar, a condamné sévèrement l'incapacité du gouvernement à protéger ses citoyens :

“Tueries gratuites dans notre pays, nous ne pouvons pas être en mode continu d'effusions de sang et de deuil. Le gouvernement doit être à la hauteur de sa responsabilité première de protéger les vies et les biens. Mon cœur va aux victimes de [la zone de gouvernement local de] Barkin Ladi de l’État du Plateau.”

Dans une déclaration de presse, Amnesty International au Nigeria s'est jointe à l'émoi sur les réseaux sociaux :

The authorities have a responsibility to protect lives and properties, but they are clearly not doing enough going by what is happening. The latest incidence in Plateau state, where armed gunmen attacked 11 villages on 23 June for at least seven hours and killed at least 200 villagers without intervention from security forces should be investigated.

Les autorités ont la responsabilité de protéger les vies et les biens, mais elles ne font manifestement pas assez d'efforts pour faire face à ce qui se passe. Le dernier incident dans l'État du Plateau, où des hommes armés ont attaqué 11 villages le 23 juin pendant au moins sept heures et tué au moins 200 villageois sans l'intervention des forces de sécurité, doit faire l'objet d'une enquête.

Sur Twitter, l'ONG a également partagé une carte des massacres :

Nigeria : la cartographie des massacres à travers le Nigeria de Janvier 2018 au 27 Juin 2018.

Après la condamnation massive de l'attentat du 23 juin, le président Muhammadu Buhari a fait une visite de condoléances à Jos. Dans son discours aux citoyens en détresse, M. Buhari a félicité son gouvernement pour sa gestion des insécurités dans le pays, mais a fortement recommandé aux citoyens de prier pour une intervention divine :

Nobody can say that we haven’t done well in terms of security, we have done our best, but the way this situation is now, we can only pray.

Personne ne peut dire que nous n'avons pas fait ce qu’il fallait en termes de sécurité, nous avons fait de notre mieux, mais étant donnée la situation actuelle, nous ne pouvons que prier.

Les remarques du président n'ont fait que jeter de l'huile sur le feu alors que les citoyens du pays n'ont vu aucunes forces de sécurité intervenir :

Le président Buhari est allé à Jos pour dire aux gens qui venaient d'enterrer des centaines de leurs proches qui ont été massacrés qu'il n'y a rien qu'il puisse faire, qu'ils devraient prier Dieu, et il a pourtant une multitude d'agents de sécurité pour le protéger. Pourquoi n'a-t-il pas envoyé son service de sécurité à Jos et prié Dieu?

Avec la frustration qui ne cesse de croître dans le pays, les revendications pour une bonne gouvernance et pour la protection des biens et des personnes ne cessent de s'amplifier chez les Nigérians. Seul le temps dira si les choses vont s'améliorer.

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