(Article d'origine publié le 24 décembre 2018)
Cet article écrit par Nupur Sonar est initialement paru sur Video Volunteers, un média communautaire international primé basé en Inde.
À l'aube du 9 décembre 2018, Amit Topno, un correspondant communautaire de Video Volunteers, a été retrouvé mort à Ghaghra dans le Jharkhand, en Inde. Topno, un Adivasi (aborigène) habitant la région conflictuelle de Khunti dans l’État de Jharkhand, était un membre de Video Volunteers (VV) depuis 2012, un reporter pour Newscode et OK Times et plus récemment un chauffeur de taxi pour Ola Cab.
Topno enquêtait sans peur sur des problèmes tels que l'extraction du sable, la vente d'alcool de contrebande, les droits des Adivasis, l'éducation, l'hygiène publique, le trafic d'êtres humains, les droits fonciers, et dernièrement sur le mouvement des Pathalgadi. Écrit il y a 6 mois, son dernier article pour VV concernait les Pathalgadi, un mouvement par lequel les communautés Adivasis des États de Jharkhand et Chhattisgarh revendiquent leur droit à l'autonomie. Le mouvement a été créé pour sensibiliser et garantir la mise en œuvre des dispositions majeures de la loi de 1996 sur les Panchayats (leur extension aux zones répertoriées) qui définit un village en tant qu'unité administrative.
En plus d'être un journaliste communautaire, Topno était également un activiste social. Il suivait ses reportages vidéos d'actions sur le terrain pour résoudre le problème sur lequel il enquêtait. Amit faisait des projections communautaires, dirigeait des réunions de village, assistait la communauté pour la rédaction de demandes ou les rencontres avec les fonctionnaires,, et travaillait pour instaurer la redevabilité. Il a fait de l'école un lieu plus sûr et a encouragé l'administration à gérer des problèmes comme le conflit entre les hommes et les animaux [sauvages] dans la région. On se souvient de lui comme étant quelqu'un de curieux, chaleureux, bon vivant, et extrêmement serviable et courageux. Lors d'une interview en 2014, Amit Topno déclara :
Jharkhand is a land caught up in a frightful storm. Its people are being whirled around in a storm of starvation, conflict, and poverty. I am the headman of my village, Nichitpur, Jharkhand, and I’m tired of seeing my people die
Le Jharkhand est une terre prise dans un effrayant orage. Son peuple tourbillonne dans une tempête constituée de famine, de conflits et de pauvreté. Je suis le chef de mon village, Nichitpur dans le Jharkhand, et je suis fatigué de voir mon peuple mourir.
Son corps a été retrouvé le 9 décembre sur la route reliant Namkum à Doranda dans la ville de Ranchi. L'autopsie révélera deux impacts de balles, l'une restée logée à l'intérieur du corps. Le rapport établit également l'absence de signes de lutte ou de rixe, pas même une égratignure. Son taxi, son téléphone et sa carte d'identité avaient disparu, mais pas son argent. Aucune arme n'a été retrouvée sur la scène de crime. Tous ces éléments désignent un meurtre prémédité exécuté par un professionnel. Onze jours ont déjà passé depuis, mais il n'y a encore eu aucune arrestation – même si la police déclare avoir des pistes.
Le 14 décembre 2018, plus de 100 personnes : leaders de mouvements sociaux, activistes, journalistes, étudiants et membres du réseau VV ont participé à une marche silencieuse en protestation contre son meurtre. Lors de cette marche, Jerrome Kujur, Dayamani Barla, Deepak Bara ont dénoncé les menaces fréquentes et le harcèlement contre les journalistes et activistes du Jharkhand. Ils ont exhorté l’État à mener une enquête rigoureuse afin d'amener les assassins d'Amit Topno devant l justice.
Le 15 décembre 2018, une délégation d'organisations civiles incluant VV a rencontrée le superintendant de la police et lui a demandé une investigation rapide et complète concernant le meurtre de Topno. Le SSP (Senior Superintendant de Police) a assuré que tous les angles possibles seront examinés.
Le 17 décembre 2018, le Jantantrik Mahasabha du Jharkhand a organisé une manifestation pacifique à Jamshedpur. Des amis et alliés d'Amit ont aussi présenté une demande à la Commission nationale des tribus répertoriées, lui demandant instamment de prendre connaissance de l'horrible meurtre. Les organisations de la société civile ont saisi de l'affaire le Secrétaire général du Jharkhand et les ministres le 19 décembre. Arup Chatterjee, un député de l'Assemblée législative de Nirsa et Dhanbad, s'est vu remettre les documents relatifs au travail de Topno et a promis d'évoquer l'affaire durant la session hivernale de l'assemblée commençant le 24 décembre.
Bien que Topno n'ait pas informé ses collègues de quelconques menaces le concernant au cours des 18 derniers mois, on ne peut exclure qu'il ait été assassiné à cause de son travail de journaliste et d'activiste social qui soulevait des questions concernant les communautés marginalisées, et travaillait dans des zones où les conflits autour de l'utilisation des terres sont monnaie courante. À un moment où l'Inde se classe quatorzième à l'Index mondial de l'impunité, le meurtre de Topno nous rappelle que les journalistes disant leur fait aux puissants et enquêtant dans des régions rurales reculées ne sont pas en sécurité.