Ali Bongo lors de son annonce pour briguer un troisième mandat. Capture compte YouTube de France24
Le 26 août 2023, les populations de la République du Gabon iront aux urnes pour des élections historiques encore jamais tenues dans le pays. En effet, une triple élection les attend: il s'agit des élections présidentielles, législatives et municipales.
Ceci est une première pour ce pays d'Afrique centrale relativement peu peuplé avec ses 2,3 millions d'habitants. La population est composée d'une cinquantaine d'ethnies dont les plus importants sont les Fangs ou Ekangs (32%), les Punu-Eshira ou Vili (18,9%), les Nzebis (11,3 %), les Tékés-Mbédés ou Obambas (14 à 6,9 %) et les Mpongwès ou Myènès (15%).
Le président sortant, Ali Bongo, en poste depuis octobre 2009, se représente pour briguer un troisième mandat, comme il l'indique sur son compte Twitter:
j’accepte avec humilité et détermination cette investiture ! J’accepte de relever le défi !
Et je vous le dis je suis prêt comme jamais !
Nous gagnerons ! Pour le Gabon !
Cette victoire nous l’obtiendrons ! Nous l’obtiendrons parce que les Gabonaises et les Gabonais la veulent ! pic.twitter.com/tf8MSwEj9Y— Ali Bongo Ondimba (@PresidentABO) July 10, 2023
Président du Parti démocratique gabonais (PDG), Ali arrive au pouvoir suite au décès de son père, ancien président, feu Omar Bongo en juin 2009.
Bongo junior fait face à dix-huit candidats dont huit sont issus de partis politiques de l'opposition, et dix se déclarent candidats indépendants. Alexandre Barro Chambrier, ancien ministre et président du parti Rassemblement pour la patrie et la modernité (RPM), Paulette Missambo de l’Union Nationale (UN), Pierre-Claver Maganga Moussavou du Parti Social-démocrate et Mike Jocktane, pasteur protestant et homme politique, président du parti Gabon Nouveau sont les candidats les mieux placés dans les sondages.
Au total 846 822 électeurs, vivant sur le territoire et à l'étranger, sont appelés à choisir le prochain président, les nouveaux députés et les maires. Pour l’Agence Anadolu, Lambert-Noël Matha, ministre d’État en charge du ministère de l’Intérieur explique:
Ils sont répartis en 830 729 électeurs sur le territoire national et 16 093 à l'étranger. Pour la dernière révision électorale de 2018, 688 702 électeurs avaient été enregistrés. Il y a donc une augmentation du collège électoral de l’ordre de 158 120 nouveaux électeurs ou primo-électeurs, il y a les jeunes qui ont eu 18 ans en 2019, 2020, 2021, 2022 et 2023, mais également ceux qui sont au-delà de cette majorité électorale, mais qui ne s’étaient jamais inscrits.
Enjeux politiques et démocratiques
Cette triple élection historique porte en elle de grands enjeux pour l'avenir du Gabon. La classe politique expérimente à partir de ces prochaines élections une nouvelle constitution, fruit d'une révision constitutionnelle qui pourrait prolonger le règne d'Ali Bongo à la tête du pays, et ceci pour une durée illimitée. D'autre part, l'élection présidentielle passe de deux à un seul tour.
Alain-Claude Bilie-By-Nze, Premier ministre gabonais interviewé par Radio France International (RFI) décalre que:
C’est un projet d’avant-garde pour le raffermissement de la démocratie et l’État de droit. Il s’agit de mesures importantes, qui conduiront à des lendemains électoraux apaisés.
Sur les réseaux sociaux, certains Gabonais manifestent leur joie pour cette nouvelle candidature d'Ali Bongo. C'est le cas d’Anthony Ravell Okawhe, qui publie sur twitter:
Le @PresidentABO c’est mon choix pour l’élection présidentielle d’août 2023. Demain je serai au congrès Extraordinaire d’investiture du @pdg2R, nous sommes avec toi champion.#Gabon @Sylviabongo @NoureddinBV @NzeghoDieko @JessyeElla @BilieByNze @OssoukaRaponda @Ledjiad20 pic.twitter.com/eroKGspRSn
— Anthony Ravell Okawhe (@OkawheRavell) July 9, 2023
Mais pour l'opposition, ceci constitue un véritable coup dur. Ayant voté contre ladite révision, au sortir des votes à l'assemblée nationale, Albertine Maganga Moussavou, députée de l’opposition répond au micro de RFI:
Pour nous, les choses ont été biaisées dès le départ. L'objectif qui permet d'éviter les lendemains électoraux de crise, c'est l'amélioration du système électoral. Cet aspect a été annihilé. Donc, nous ne voyons pas l'intérêt d'apporter une quelconque caution à ce qui s'est fait et décidé.
Au sein de l'opposition, c'est en rang dispersé que les candidats vont à ces élections. Dans les sorties médiatiques et meetings, certains accusent des candidats de mener un double jeu. Ainsi, un article de Lbv News cite Gervais Oniane qui accuse Raymond Ndong Sima, Alexandre Barro Chambrier et Mike Jocktane, tous candidats, de manquer de sincérité dans leur position. La publication est relayée sur twitter:
Lors d’une rencontre politique animée dans le quartier Nzeng-Ayong le samedi 29 juillet 2023, Gervais Oniane, candidat à l’élection présidentielle au #Gabon, a réitéré ses accusations à l’encontre de l’opposition. https://t.co/NkYCzyuGU9
— LbvNews (@LbvNews) July 30, 2023
Cette division de l'opposition fait l'affaire du parti au pouvoir et ouvre un chemin tout tracé pour Ali Bongo. Comme l'explique Télesphore Ondo, professeur de droit public interrogé par RFI:
💬 🇬🇦 #Gabon «Les problèmes d'égo de l'opposition vont ouvrir un boulevard» pour le président gabonais Ali Bongo lors des élections présidentielles, législatives et locales du 26 août, analyse Télesphore Ondo, professeur de droit public.
🎙Invité de @SebastienNemeth #RFImatin 👇 pic.twitter.com/RWdma9uRqs— RFI Afrique (@RFIAfrique) August 16, 2023
Défis sociaux
Selon la Banque mondiale, la production du pétrole et du manganèse constitue la principale source de l'économie du Gabon. Le secteur minier, du bois et de l'agriculture dominent aussi la sphère économique. Mais le salaire moyen mensuel au Gabon est estimé à 150.000 FCFA (249 dollars américains)
De plus, malgré la richesse en ressources minérales, le Gabon enregistre un fort taux de chômage: à 21,5%, ce qui fait du Gabon le 9è pays où le chômage est le plus élevé au monde, alors que les jeunes constituent la majeure partie de la population. En fin d'année 2022, le taux de chômage chez les jeunes touche près de 40% selon la Banque mondiale.
Le niveau de corruption est tout aussi inquiétant. Selon les résultats d'une étude d'Afrobarometer:
Les Gabonais déplorent la hausse du niveau de corruption mais craignent des représailles en cas de dénonciation. Neuf citoyens sur 10 désapprouvent la performance du gouvernement en matière de lutte contre la corruption.
Le classement 2022 de Transparency International confirme cette étude. Le Gabon occupe la 136è place sur les 180 pays dans ce classement.
Avec un tel taux du chômage et un niveau de corruption élevé, le prochain candidat aura de grands défis à relever pour satisfaire la population.
Selon la Banque mondiale, la production du pétrole et du manganèse constitue la principale source de l'économie du Gabon. Mais le secteur minier, du bois et de l'agriculture dominent aussi la sphère économique. Le salaire moyen mensuel au Gabon est estimé à 150.000 FCFA (249 dollars américains)
Enjeux environnementaux
Depuis quelques années, le pays attire les occidentaux dans la lutte contre le changement climatique en Afrique. De nombreux bailleurs, investisseurs et partenaires internationaux comptent sur les forêts du Gabon qui sont des puits de gaz à effet de serre. En effet, 88% du territoire gabonais est couvert par les forêts.
Le Gabon est présenté comme un modèle de préservation de l'environnement. En juin 2021, Il est le premier pays africain à recevoir auprès de l’Initiative pour la forêt de l'Afrique centrale (CAFI), un premier paiement de 17 millions de dollars américain pour la réussite d'une telle politique environnementale. Ceci dans le cadre d'un accord de 150 millions de dollars américains que le pays a signé avec CAFI pour une période de dix ans.
Reste à savoir si la population bénéficie directement de ces paiements reçus pour la mise en place d'une politique environnementale efficace. A en juger d'après les campagnes politiques, la corruption demeure en effet la principale préoccupation des Gabonais.
