Australie : les gros pollueurs forcés de réduire leurs émissions de carbone suite à l'adoption du mécanisme de sauvegarde

Mécanisme de sauvegarde : plan de réduction des émissions de carbone – Mashup: capture d'écran d'une vidéo du Climate Council sur YouTube.

Le 30 mars 2023, après plusieurs semaines de négociations, le parlement australien a enfin adopté un plan d’action visant à réduire les émissions de gaz carbonique. La nouvelle loi sur le climat renforce le « mécanisme de sauvegarde », qui jusqu’ici s’est avéré inadéquate, et s'engage à réduire les émissions de dioxyde de carbone de 43% d’ici 2030; les 215 plus gros pollueurs du pays sont eux tenus de diminuer leur taux de CO2 de 4,9% par an.

Vidéo explicative produite par le Climate Council australien :

Le parti des Verts, dont le soutien était indispensable à l'adoption de la loi par le Sénat, avait insisté pour que, suite au récent rapport du GIEC, tous les nouveaux projets liés au charbon ou au gaz soient proscrits, et pour qu'il y ait moins de recours aux compensations carbone.

Une compensation carbone consiste à réduire ou supprimer des émissions de dioxyde de carbone ou d'autres gaz à effet de serre afin de compenser des émissions produites ailleurs et nécessite généralement d'acheter des crédits carbone grâce au financement de projets tels que la plantation d'arbres ou la régénération des sols. L'efficacité des compensations en matière de réduction des émissions a été remise en question par de nombreux analystes. Une étude réalisée par Climate Analytics explique que :

« Le fait que le gouvernement australien permette aux entreprises de combustibles fossiles d'avoir accès à un nombre illimité de compensations (notamment dans le secteur foncier) donnerait le feu vert à une nouvelle production de charbon et de gaz, entrainerait une hausse constante des émissions, et affecterait la capacité de l'Australie à remplir ses objectifs en matière de climat. »

Bien que l’accord négocié avec les Verts n'inclue pas cette garantie, le parti écologiste est parvenu à obtenir d’autres concessions, telles qu’une limite stricte des émissions totales, exigeant que les gros pollueurs réduisent la totalité de leurs émissions et ne se contentent pas seulement d’avoir recours aux crédits carbone. En outre, tout nouveau projet d’énergies fossiles devra dorénavant remplir des critères beaucoup plus draconiens avant d’être approuvé, y compris une estimation de l’empreinte carbone.

Les Verts ont souvent été critiqués pour leur refus en 2009 de voter en faveur du plan de réduction de la pollution par le carbone élaboré par le  parti travailliste, et qui fût rejeté par le Sénat. En revanche, en 2011, ils ont soutenu un système de tarification du carbone, lequel fût abandonné par le nouveau gouvernement conservateur en 2013.

Nombreux sont ceux qui des deux côtés de l’échiquier politique s’en souviennent, y compris Murray Watt, ministre de l’actuel gouvernement :

Les Verts menacent de voter contre le projet de réduction des émissions élaboré par le parti travailliste, tout comme ce fût le cas en 2009 pour le plan de réduction de la pollution par le carbone. Ils doivent apprendre à négocier, à collaborer avec le gouvernement et cesser de faire des caprices à chaque fois qu’ils n’obtiennent pas ce qu’ils veulent.#auspol

— Craig Hill (@CraigHill01) 13 juillet 2022

Sauf votre respect, c’est tout simplement absurde. Le rejet du projet de loi en 2009 n’aurait pas changé grand-chose, et s’apparentait au mécanisme de sauvegarde avec des compensations illimitées. En 2011, le Parti travailliste, avec le soutien des Verts, l’a remplacé par un ensemble de mesures bien meilleures et plus solides qui fonctionnaient vraiment.

— Bill Hare (@BillHareClimate) 23 mars 2023

Les Verts ont montré qu'ils étaient prêts cette fois-ci à négocier avec le gouvernement actuel, comme cela avait été le cas en 2011.

Le mouvement écologiste australien est divisé quant à la meilleure voie à suivre . Le Premier ministre Anthony Albanese se plaît à dire qu'il ne faut pas  « laisser le mieux être l'ennemi du bien ». L’ Australian Conservation Foundation (ACF) s'est montrée convaincue, mais maintient que la législation devrait si possible être renforcée; la loi a néanmoins été adoptée. Bob Brown, militant écologiste de longue date et fondateur du parti des Verts, a réagi en annulant son adhésion comme membre à vie de l'ACF. Il a ensuite condamné l’accord passé avec le parti écologiste.

Avant la conclusion de l'accord, Renew Economy, un site web dédié à la transition énergétique, était fermement opposé au projet de loi :

If the Safeguard Mechanism remains a massive wish-fulfilment exercise for the corporations making super-profits selling fossil fuels overseas, rather than an appropriately powerful scheme to bring about real emissions reductions, Australia will truly become known globally as the international centre of climate delay.

Si le mécanisme de sauvegarde continue à n’être que du côté des grosses entreprises qui réalisent d’énormes profits en vendant des combustibles fossiles à l'étranger, plutôt qu'un système suffisamment fiable capable de réduire véritablement les émissions de gaz, l'Australie s’imposera dans le monde entier comme l’épicentre de la procrastination climatique.

Néanmoins, Renew Economy a réagi favorablement à la version finale de la loi :

La mise en oeuvre du mécanisme de sauvegarde est une bonne nouvelle pour la politique australienne en matière de #climat et pourrait également ouvrir la voie à une tarification du carbone au-delà du secteur industriel. https://t.co/RvtPEcVCBY #auspol

— RenewEconomy (@renew_economy) 31 mars 2023

Les militants écologistes appartenant à la ONG Environment Victoria étaient opposés à tout nouveau projet lié au charbon ou au gaz. Ils ont cependant reconnu les points positifs de l'accord et se sont ralliés au point de vue du Australia Institute (laboratoire d’idées australien) :

Bonne explication de l'accord d'hier sur le mécanisme de sauvegarde 👇

Oui, c'est un pas en avant. Il est maintenant urgent de mettre un terme aux nouvelles exploitations de charbon et de gaz !

— Environment Victoria (@EnviroVic) 27 mars 2023

Rappel quotidien 👇

Il n’est pas possible de lutter sérieusement contre les changements climatiques tout en approuvant inlassablement de nouvelles mines de charbon et de gaz.

Le plus important et le plus urgent est de ne plus extraire de carburants fossiles; les compensations carbone ne doivent pas être utilisées comme subterfuge.

— Environment Victoria (@EnviroVic) 24 mars 2023

Bien que certaines entreprises soient opposées à la nouvelle législation, l'avis général est dans l’ensemble plutôt positif;  la loi leur offre une plus grande garantie de pouvoir atteindre l’objectif de zéro émissions nettes de CO2. Le Business Council of Australia (BCA) )(conseil aux entreprises), qui représente la plupart des gros pollueurs, a salué le nouvel accord :

The passage of Safeguard Mechanism legislation is a big step towards getting on with the ‘how’ of this transition, Business Council chief executive Jennifer Westacott said.

“Make no mistake, this is critical progress towards securing a transition that delivers new jobs and new opportunities.

“We welcome the passage of this legislation and the adoption of key elements of the Business Council’s plan to reach net zero emissions.

“After more than a decade of uncertainty and equivocation employers now have certainty about our emissions targets and how we’re going to get there.

« L'adoption de la législation sur le mécanisme de sauvegarde représente un grand pas en avant vers la transition énergétique », a déclaré Jennifer Westacott, directrice générale du BCA.

« Sachez-le bien, il s'agit là d'un tournant décisif vers une transition qui va créer de nouveaux emplois et de nouvelles opportunités.

Nous nous félicitons de l'adoption de cette législation et d'éléments clés du plan élaboré par le BCA pour atteindre une neutralité carbone.

Après plus d'une décennie d'incertitude et de tergiversation, les employeurs savent désormais quels sont nos objectifs en matière d'émissions et quelle est la manière dont nous allons les atteindre. »

Toutefois, le Minerals Council of Australia (conseil des mines) a exprimé de vives inquiétudes:

The challenges to meet the Safeguard Mechanism shouldn’t be underestimated.

If we are not careful, some facilities in Australia will close.

Not only would that damage our economy and slash tens of thousands of regional jobs and billions in investment, it also would push the emissions reduction burden on to other nations that are less able or less willing to decarbonise.

The Greens’ demonisation of coal also does not help the Australian economy, particularly as the nation continues to rely on coal powered energy generation to keep the lights on and keep prices down.

Il ne faut pas sous-estimer les défis à relever pour pouvoir répondre aux attentes du mécanisme de sauvegarde.

Si nous n'y prenons pas garde, des établissements en Australie fermeront leurs portes.

Cela nuira non seulement à notre économie et supprimera des dizaines de milliers d'emplois locaux et des milliards d'investissements, mais le fardeau de la transition énergétique sera alors rejeté sur d'autres pays moins aptes ou moins disposés à décarboner.

La diabolisation du charbon par les Verts n'aide pas non plus l'économie australienne, d'autant plus que le pays continue à produire l’essentiel de son énergie à partir du charbon pour garantir sa consommation d’électricité et maintenir des prix bas.

D'autre part, l’ACF n'est que l’une des nombreuses organisations écologistes australiennes qui continuent à faire campagne en faveur d’un renforcement de l’action en faveur du climat :

The Safeguard Mechanism falls short of what the science demands, and it doesn’t address Australia’s biggest source of climate pollution – coal and gas exports. But these changes are important steps towards getting to where we need to be.

Le mécanisme de sauvegarde n'est pas à la hauteur des exigences scientifiques et ne s'attaque pas à la principale source de pollution de l'Australie, à savoir les exportations de charbon et de gaz. Ces changements sont cependant des étapes importantes qui nous permettront d'atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés.

Quoi qu'il en soit, il semble que la politique et l'action en matière de climat demeurent pour beaucoup d'Australiens une question de « verre à moitié plein ou à moitié vide. »

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