“Russie Ouverte” veut poursuivre ses activités, passant outre à l'interdiction fédérale

Maria Baronova (à gauche), Mikhaïl Khodorkovski (en bas à droite), et l'équipe de Russie Ouverte. Photo : Maria Baronova / Instagram

Malgré sa mise hors-la-loi par le Procureur Général le 26 avril, le mouvement d'opposition “Russie Ouverte” indique qu'il poursuit toutes ses activités, y compris ses projets de manifestations anti-Poutine nationales pour ce samedi. Mikhaïl Khodorkovski, le fondateur du mouvement, a écrit sur Twitter qu'il est “fier” de voir sa créature dans le collimateur du pouvoir.

En réalité, les autorités n'ont pas seulement interdit Russie Ouverte, mais l'ont mise sur liste noire en tant que “organisation indésirable”, probablement la façon la plus rigoureuse dont le Kremlin peut proscrire un collectif, à moins de le classer parmi les factions terroristes ou extrémistes. Citant la promotion par Russie Ouverte des manifestations politiques, le Procureur Général a motivé en disant que l'organisation menaçait les “fondations constitutionnelles” de la Russie et “la sécurité de l’État”.

Khodorkovski et plusieurs représentants de Russie Ouverte disent que la décision du Procureur Général ne s'applique qu'aux entités de l'organisation enregistrées en Grande Bretagne, et non au “mouvement social en ligne Russie Ouverte”, qui organise actions contestataires et événements, et gère un organe de médias.

“[Le mouvement] n'a aucune relation d'aucune sorte avec les entités juridiques nommées dans cette décision”, a déclaré Alexandre Soloviov, coordinateur du nouveau projet de Russie Ouverte, au site d'informations Meduza. “Un mouvement en ligne opère en Russie en conformité avec la loi fédérale 82 ‘sur les Organisations Publiques’, qui stipule qu'un mouvement n'est pas requis de s'enregistrer comme entité juridique”.

La carte de membre de Russie Ouverte de Maria Baronova. Photo: Instagram

Maria Baronova, autre coordinatrice de Russie Ouverte (et peut-être la plus visible des membres du mouvement, après Khodorkovski), a souligné auprès de Meduza que les activités du groupe restent légales malgré la nouvelle d'avant-hier.

“Nous sommes un mouvement dépourvu de toute personnalité juridique, un rassemblement d'individus d'accord sur leur volonté de faire l’État russe plus européen et démocratique. Et maintenant le Procureur Général essaie de me dire que moi, citoyenne de la Fédération de Russie, je suis indésirable”, a déclaré Baronova.

Dans une déclaration publique publiée en ligne, Russie Ouverte s'est dite distincte de l'équipe sur le sol britannique prohibée par le Procureur Général. “Russie Ouverte, que vous lisez en ce moment, est une organisation purement russe et ne peut donc pas être étiquetée indésirable”, affirme la déclaration.

Russie Ouverte met ses espoirs dans le fait que la loi contre les “organisations indésirables” ne concerne que les “ONG étrangères et internationales”. Ce qui pourrait toutefois ne pas suffire à protéger le mouvement, puisque le texte s'étend à toutes les filiales russes [desdites ONG].

Les choses se corsent quand l'argent entre en jeu. Russie Ouverte a du personnel salarié (dont Soloviov et Baronova), et la source de financement du mouvement reste vraisemblablement Mikhaïl Khodorkovski, qui a émigré de Russie dès sa sortie de prison sur une grâce présidentielle en 2013. Après plus d'une décennie derrière les barreaux, Khodorkovski pèse toujours, selon les estimations, un demi-milliard de dollars.

Si Russie Ouverte est une “organisation purement russe”, comment transfère-t-elle l'argent de Khodorkovski au personnel du mouvement ? Si le moindre partie de cet argent provient d'en-dehors de la Russie, le mouvement perd vraisemblablement sa prétention à la pureté russe. Si des fonds transitent par des entités juridiques sur liste noire du Procureur Général, le personnel de Russie Ouverte pourrait être accusé de coopération avec une “organisation indésirable” et encourir jusqu'à six années d'emprisonnement.

Les banques et institutions financières russes ont également interdiction de faire affaire avec les “indésirables”. Autrement dit, Russie Ouverte, quels que soient ses arguments en défense devant la presse, pourrait se trouver bientôt dans l'impossibilité de payer son personnel, de louer des espaces de réunions, d'imprimer des tracts…

Baronova a refusé de dire à Meduza comment Russie Ouverte finance effectivement ses opérations. “Ce n'est pas à un État autoritaire que nous allons révéler ce genre d'information”, a-t-elle expliqué, soulignant que le personnel du mouvement n'avait rien à craindre.

Ce samedi 29 avril, Russie Ouverte prévoit de tenir des manifestations à travers le pays contre un possible quatrième mandat présidentiel de Vladimir Poutine, qui de l'avis général sera candidat à sa réélection en mars prochain. Le collectif a réussi à obtenir des autorisations de manifester dans onze grandes villes, mais neuf (dont Moscou et Saint-Pétersbourg) ont menacé de riposte policière si Russie Ouverte persiste dans ses projets de manifestations.

Et cela, avant même que l'on commence à évoquer les “organisations indésirables”.

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