Journée des femmes en Amérique latine : reggaeton, rage et sororité

Manifestation pour la journée des femmes 2023 à Panama City, au Panama. Image de la photographe Alegre Saporta, utilisée avec permission.

Après deux ans de restrictions dues à la COVID-19, des centaines de milliers de femmes ont manifesté lors de la journée internationale des femmes, le 8 mars, du Mexique en Argentine. Bien sûr, leurs demandes étaient diverses, en fonction des causes défendues par leurs groupes (la prise en charge des soins par l’État, le droit à l’avortement ou l’égalité de rémunération), mais la lutte contre la violence basée sur le genre était le fil conducteur international de toutes les manifestations.

Selon les Nations unies, l'Amérique latine a enregistré en 2021 au moins 4 473 féminicides – un crime de haine au cours duquel des femmes sont tuées par des hommes en raison de leur identité féminine. Cependant, les chiffres sont probablement plus élevés, car il est difficile d’évaluer statistiquement l’ampleur du problème en raison de la diversité des lois, du manque de confiance dans les forces de police et du manque de moyens permettant de comptabiliser les chiffres. Les femmes autochtones, noires et transgenres, ainsi que les jeunes filles mineures sont particulièrement vulnérables.

Les femmes se sont donc regroupées pour exprimer leur rage contre la violence, pour demander plus de protection de la part des autorités publiques et pour trouver du réconfort dans la joie et la sororité. Elles ont entonné des classiques de la manifestation du 8 mars, ont adopté de nouvelles chansons comme « Azul Mineral » de Lau Crespo, qui fait sensation sur Tiktok, et ont ressorti de vieux succès de reggaeton. Les posts Instagram et les vidéos qui suivent décrivent l'ambiance de la journée des femmes dans toute la région.

Colombie

Les femmes se sont rassemblées dans trois lieux de Bogota, la capitale de la Colombie. L’un des rassemblements réunissait des femmes issues de milieux divers comme les femmes trans, un autre était « non mixte » et le troisième fédérait les femmes actives féministes. Pour la journaliste Sally Palomino, cela signifie que le féminisme reste divisé à Bogota. D’autres manifestations ont eu lieu ailleurs en Colombie.

La photographe Victoria Holguin a saisi quelques clichés lors des manifestations de Bogota qui, comme nous pouvons le constater, étaient très importantes. Sur la troisième image, la banderole « Quiero morir por vieja y no por ser vieja » (je veux mourir de vieillesse et non parce que je suis vieille), est un jeu de mots sur « vieja » (vieille femme) qui signifie familièrement « femme ». La banderole annonce donc : « Je veux mourir de vieillesse et pas parce que je suis une femme. »

 

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Les femmes ont également dansé sur « Yo quiero bailar » (je veux danser), le succès de 2004 de la rappeuse de reggaeton Ivy Queen. Cette chanson est considérée comme une leçon sur le consentement sexuel, dans laquelle Ivy Queen rappe que quelqu’un peut danser avec elle et la séduire, mais que cela ne signifie pas qu’« elle ira au lit » avec cette personne.

Mexique

Ces dernières années, les manifestations de la Journée des femmes dans la ville de Mexico ont été parmi les plus importantes. Cette année, des dizaines de milliers de femmes ont défilé dans les rues pour demander plus de sécurité pour les femmes. Au Mexique, au moins 10 femmes sont assassinées chaque jour et 95 % des crimes restent impunis. Cette manifestation est souvent appelée « la marea violeta » (la vague violette), car les manifestantes portent des habits violets. Des manifestations ont également eu lieu dans d’autres régions du pays, comme à Tijuana et à Chihuahua.

La militante guatémaltèque Mayan K'iche’ a pris des photos de la manifestation dans la ville de Mexico. La pancarte de la première image annonce « No se va a caer, lo vamos a tirar » (il ne tombera pas, nous allons le jeter), en référence au patriarcat, la domination structurelle exercée par les hommes qui accorde plus d'importance aux hommes qu’aux femmes.

 

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Les charras, des cavalières en habits traditionnels qui participent aux charreadas, le sport national du Mexique semblable au rodéo, ont aussi participé à la manifestation.

 

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Le Salvador

Au Salvador, des femmes ont défilé dans le centre-ville de San Salvador. Elles ont manifesté pour les droits de Beatriz, une femme salvadorienne incriminée pour avoir avorté lors d’une grossesse à risque. Son cas est maintenant débattu devant la Cour interaméricaine des droits humains. Certaines militantes se sont également moquées du Président salvadorien Nayib Bukele, dont le gouvernement est considéré comme misogyne par les féministes.

La vidéo ci-dessous a été publiée par le média indépendant salvadorien GatoEncerrado.

Guatemala

Au Guatemala, le thème central de la manifestation féministe était la lutte pour la justice dans l’affaire Hogar Seguro, l’incendie de l’orphelinat au cours duquel 41 filles ont trouvé la mort en 2017 à la suite de négligences de l’État. Des femmes trans et des petites filles ont également participé au défilé principal.

Une journaliste du magazine numérique féministe guatémaltèque La Ruda, María España, a pris des photos lors de la journée des femmes dans la ville de Guatemala.

 

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Équateur

À Quito, en Équateur, les femmes ont aussi défilé dans les rues lors de la journée internationale des femmes. Selon le média communautaire Wambra, Malony Chavez, la présidente des travailleuses du sexe trans de Quito, a déclaré que « leurs revendications concernent la précarité de toutes les femmes : migrantes, trans, autochtones, d’ascendance africaine, handicapées, pauvres et non binaires. » La leader autochtone Zenaida Yasamaca a également demandé que la vie et le territoire des leaders autochtones et des défenseurs de l’environnement soient respectés.

Wambra a réalisé un montage vidéo à partir de plusieurs sources d’images du 8 mars à Quito et dans d’autres lieux en Équateur, au son de la chanson « Azul Mineral » dont les paroles sont : « vous ne savez pas ce qu’est la peur si vous n’êtes pas née femme. »

 

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Les femmes amazoniennes d’Équateur ont également participé aux manifestations. Dans la troisième vidéo, elles chantent « No queremos flores, queremos derechos » (nous ne voulons pas de fleurs, nous voulons des droits). Les femmes autochtones K'ichwa ont aussi protesté contre la discrimination et le racisme. Elles ont demandé de la solidarité et du respect pour la flore et la faune.

Honduras

L’organisation pour le droit des femmes, Réseau national des défenseures des droits humains du Honduras, a expliqué que le sujet central de la manifestation à Tegulcigalpa était la lutte contre la violence sexuelle et basée sur le genre. Les Nations unies rapportent que le Honduras enregistre le plus fort taux de féminicide de la région latino-américaine, avec 4,6 cas pour 100 000 femmes en 2021.

Les images ci-dessous montrent les travailleuses du sexe qui manifestent aussi pour leurs droits. Les femmes ont également manifesté pour Beatriz, la femme salvadorienne incriminée pour un avortement.

Chili

Des milliers de femmes ont défilé dans les villes chiliennes. Le gouvernement du Chili, dirigé par Gabriel Boric, arrivé au pouvoir en 2022 avec un cabinet majoritairement féminin, est le premier gouvernement d’Amérique latine à se déclarer « féministe ». Le 8 mars 2023, le gouvernement de Boric a annoncé plusieurs mesures, dont une initiative pour universaliser l'accueil des enfants dans les entreprises et une réduction du coût de la contraception. Il a également encouragé les réformes juridiques en faveur de la sécurité publique. Il a aussi tenté de combler les différences entre les hommes et les femmes en matière de retraite, les écarts pouvant atteindre les 40 %. Cette mesure a échoué à la suite d’un vote de l’opposition.

La photographe amateure chilienne Paz Paulina Cortez Rivera a pris des photos dans la ville de Concepcion.

 

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Bolivia

Au son de fanfares, les femmes boliviennes ont aussi demandé plus de sécurité dans l’ensemble du pays.

La photographe Folil Pueller était à La Paz lors de la manifestation :

 

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Venezuela

Au Venezuela, alors que le pays est toujours enlisé dans une grave crise économique, les femmes ont demandé plus de possibilités d’emploi. L’ONG Caleidoscopio, qui milite pour les droits humains, a déclaré : « La vulnérabilité systématique des femmes s’aggrave au fil de la crise humanitaire actuelle au Venezuela. »

Comme dans les autres pays, la violence et le harcèlement sexuels étaient les principales préoccupations au Venezuela. Selon le média vénézuélien Runrun, « À Anzoátegui, elles ne veulent plus d’objectification des femmes; à Tàchira, elles demandent le démantèlement des réseaux de trafic et à Caracas, elles exigent que le harcèlement de rue soit traité comme un problème de sécurité publique. »

La photojournaliste Gaby Oráa a publié ces photos sur son compte Instagram :

 

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