(Les liens renvoient à des pages en italien, sauf mention contraire)
La Cour d'appel du tribunal de Turin sous la présidence d'Alberto Oggè, a confirmé le 3 juin 2013 la condamnation en première instance du milliardaire suisse Stephan Schmidheiny, pour “désastre écologique criminel” en alourdissant encore la peine. Les accusés présents auraient dû être deux, mais depuis la condamnation en première instance, le baron belge de Cartier de Marchienne [anglais] est décédé à l'âge de 92 ans, peu de jours avant la décision de la Cour d'appel. Le tribunal a constaté l'extinction de l'action publique suite au décès.
Il s'agissait, selon des sources multiples, du plus grand procès pour catastrophe écologique de l'histoire européenne avec 2.890 victimes (ouvriers et résidents locaux) dont plus de 2000 sont mortes et le reste porteur de graves pathologies.
Biagio Chiariello écrit sur le blog collectif fanpage.it:
le verdict d'appel était attendu dans l'angoisse par au moins 500 personnes arrivées à bord de sept bus. Les plaignants, familles des ouvriers morts du cancer ou simples résidents des lieux où se trouvaient les usines de production de la fibre d'amiante (Casale Monferrato dans la province d'Alexandrie, Cavagnolo près de Turin, Bagnoli près de Naples, Rubiera près de Reggio Emilia) sont actuellement près de 6000. Le jugement a étendu la responsabilité de l'imputation aussi aux victimes de ces deux dernières usines alors qu'en première instance la prescription avait été prononcée. Schmydheiny a été déclaré non coupable pour la période qui va de juin 1966 à 1976.
Sur ce même blog fanpage.it, un autre poste de Antonio Palma donne des détails sur les sommes que le milliardaire suisse devra verser aux différentes parties lésées :
La somme la plus élevée accordée par le tribunal présidé par Alessandro Oggé ira à la commune de Casale Monferrato dans la province d'Alexandrie, une des communes les plus touchées par le terrible désastre écologique provoqué par la multinationale de l'amiante et où vivaient près de la moitié des victimes. 30,9 millions d'euros seront destinés à cette commune, un chiffre augmenté par rapport aux 25 millions demandés en première instance. Chaque famille de victime recevra en compensation 30 000 €.
L'auteur ajoute:
Une compensation substantielle ira également à la région du Piémont qui se voit attribuer 20 millions d'euros. Le “jugement Eternit” ( du nom de l'entreprise fabriquant des matériaux de construction à base de fibro-ciment) a également accordé 100 000 € à chaque syndicat partie civile et 70 000 € à chacune des deux associations écologiques, Wwf et Legambiente. Une seule exception en matière de compensation, celle de l'INAIL (Association des accidentés du travail) pour laquelle la cour n'a pas reconnu un droit à réparation alors même que celle-ci avait soutenu des actions très onéreuses en matière de réparations financières.
L'amiante fauche des vies, elle est responsable de pathologies graves aux quatre coins du monde. Pourtant, dans bien des cas, les victimes n'ont pas encore eu la satisfaction de voir les coupables déférés devant la justice. Massimo Gigliotti écrit sur scienze-naturali.it:
L'Italie dispose actuellement d'une loi interdisant l'usage de l'amiante qui est bannie de l'Europe, mais cela ne concerne en tout que 44 pays, il y en a beaucoup comme la Russie, le Canada, la Chine, le Brésil, la Thaïlande, qui l'utilisent encore. Les États-Unis, pour contourner le problème, ont eu l'idée de transférer l'industrie de l'amiante au Mexique où les ouvriers ne sont pas tenus informés du danger ; le Canada produit et exporte l'amiante en se gardant bien de l'utiliser sur son propre territoire.”
Par ailleurs même en Italie on trouve encore diverses quantités d'amiante disséminées un peu partout sur le territoire national : dans les écoles, les habitations privées ou dans la nature. Dario Scacciavento écrit sur aamterranuova :
Même si l'extraction et la commercialisation de l'Eternit et de l'amiante ont été interdites en 1992, les épidémiologistes prévoient un pic de la maladie autour de 2020.
En Afrique également l'amiante tue. Les deux pays les plus contaminés sont l'Afrique du Sud et le Zimbabwe. Voici une vidéo [anglais] qui décrit de façon dramatique le calvaire des victimes en attente de la mort dans la ville de Prieska :
L'arrêt de la cour d'appel de Turin a donné un élan colossal au niveau mondial aux associations de victimes ou de familles, et en général à la société civile pour continuer la lutte contre la pollution industrielle et en particulier celle provoquée par l'amiante.
Santo Della Volpe sur le site articolo21.org écrit:
En fait les associations anti-amiante de France, Belgique, Suisse, Brésil et d'autres pays sud-américains, réunies à Casale Monferrato se sont déjà mises d'accord pour tirer tout le parti possible de cette décision dans leurs pays où l'Eternit et les différentes fibres d'amiante non seulement sont encore utilisées mais aussi produites.
Avant de quitter Turin, les associations de victimes de France (ANDEVA), Belgique (ABEVA), Royaume-Uni (AVSGF et autres ), EUA (ADAO), Brésil (ABREA), Espagne (FEDAVICA), Australie (ADSA), Canada (CANSAV), Corée, Inde (OHSA et autres), Afrique du Sud, Pérou (APEVA) et Allemagne ainsi que l'Afeva italienne, ont publié un communiqué de presse pour demander aux Nations unies que l'amiante soit inclue dans la liste des produits chimiques de la Convention de Rotterdam [fr] qui établit des règles d'importation et exportation pour certains produits et antiparasitaires dangereux.
En Espagne asbestosinthedock.ning.com a fait l'annonce suivante [espagnol] :
Le 10 et 11 juin à partir de 9h30 aura lieu devant le tribunal du travail numéro 5 de Séville (Palazzo NOGA, Avenida de la Buhaira), la célébration du premier procès collectif en défense des victimes de l'amiante contre l'entreprise URALITA, qui pendant près de 60 ans a développé son activité industrielle de production de matériaux à base de fibro-ciment dans cette ville en particulier dans le célèbre quartier de Bellavista.
La cupidité ne doit pas l'emporter sur le droit à la santé des ouvriers. Comme l'a déclaré Raffaele Guariniello, au nom du ministère public : cette décision est un véritable “hymne à la vie”.